11 mars 2008

Ernst Bloch, prophète en son pays | France Culture, Une vie, une oeuvre, 28 septembre 2003



Par Jacques Munier. Réalisation : Marie-Ange Garrandeau

Penseur « romantique révolutionnaire », comme il se définissait lui-même, Ernst Bloch est un des plus éminents représentants du marxisme critique qui s’est développé dans les années 20 et 30 en Allemagne.
Ami de Georg Lukács, il participe avec lui aux séances du Cercle Max Weber de Heidelberg, un des principaux foyers du romantisme anti-capitaliste dans les milieux universitaires allemands. Un témoin de l’époque le décrit alors comme un «juif apocalyptique catholicisant». L’Esprit de l’utopie, son premier livre publié en 1918 et écrit tout au long des années de guerre est l’un des ouvrages les plus caractéristiques de ce romantisme révolutionnaire volontiers prophétique. « Il est resté de l’ensemble de l’idéalisme allemand une sorte de vacarme dont s’enivre le mélomane wagnérien qu’est Bloch», disait de lui Theodor Adorno qui ajoutait à propos de son humanisme : « ses pensées tiennent chaud ».
Magnifique écrivain (Adorno le disait aussi « armé du grappin d’abordage littéraire du pirate »), tempérament mystique et messianique puisant aux sources chrétiennes (l’Apocalypse, Joachim de Flore, Maître Eckhart…) et juives (la Kabbale, le hassidisme ou Martin Buber…), son utopie marxiste-libertaire voudrait esquisser « les épures d’un monde meilleur » comme l’indique le sous-titre du tome II de son grand œuvre Le Principe Espérance.
Né en 1885 à Ludwigshafen, sur le Rhin, exilé aux États-Unis à la montée du nazisme, il revient en Allemagne de l’Est en 1949 où il devient professeur de philosophie à Leipzig et directeur de l’Institut Karl Marx, tout en poursuivant ses travaux sur la fonction sociale de l’utopie comme pensée du devenir historique. Mais en 1961, le prophète désormais maudit doit quitter son pays pour finir ses jours à l’Ouest, professeur à l’université de Tübingen où il meurt le 4 août 1977.

Avec : Michaël Löwy. auteur d’Une sociologie des intellectuels révolutionnaires (PUF) ; Pierre Bouretz, directeur d’études à l’EHESS et auteur de Témoins du futur (Gallimard) ; Jean-Claude Monod, chargé de recherche en philosophie au CNRS et auteur de La Querelle de la sécularisation (Vrin) ; Gérard Raulet, professeur à Paris III et traducteur d’Ernst Bloch.

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Une page consacrée à Ernst Bloch sur le site Remue.net.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Grand merci d'attirer l'attention sur ce grand homme. Je suis la traductrice du Principe Espérance, son oeuvre maîtresse, et je trouve dommage que France Culture n'ait pas songé à m'inviter. Je suppose que les responsables de l'émission préféraient donner la priorité à des Français? Car je suis belge... J'ai consacré 20 ans de ma vie à traduire ces pages sublimes , et je pense connaître la pensée de Bloch et son écriture de l'intérieur, dans le détail... Un traducteur ne recrée-t-il pas une oeuvre? De plus, et les journalistes français semblent l'ignorer aussi, j'ai obtenu deux grands prix pour cette traduction et les articles que j'ai écrits sur l'oeuvre. Les Français seront-ils donc à tout jamais et désespérément nombrilistes?

Françoise Wuilmart, nationalité belge
Traductrice du Principe Espérance, Gallimard, Collecion philosophie.