28 décembre 2009

James Victor Chesnutt, dit Vic Chesnutt (1964-2009)




Marathon



Mississippi Studios, Portland, Oregon, 27 novembre 2009.

The Foxx and Little Vic



Shiny Little Studios, Brooklyn, NY 2002.

Independence Day



Assist



www.theyshootmusic.com, Urania, Vienna, octobre 2008.


Vic Chesnult & Kristin Hersh : Panic Pure (live) > télécharger

08 décembre 2009

Jean-Paul Roussillon (1931-2009)



Wikipedia

En attendant Godot de Samuel Becket
mis en scène par Roger Blin, théâtre de l'Odéon, 1978




Un conte de Noël
réalisé par Arnaud Desplechin, 2008






Le Chant du cygne d'Anton Tchekhov
mis en scène par Alain Françon, théâtre de la Colline, 2005

> Télécharger (enregistrement amateur réalisé le 10 novembre 2005)

07 décembre 2009

Jean-Pierre Brisset, écrivain (1832-1919) | France Culture, Une vie, une œuvre, 7 octobre 2001



Par Christine Goémé. Avec Michel Foucault (archives), Marc Décimo et Marcel Benabou. Textes lus par Claude Piéplu.

> Télécharger


Jean-Pierre Brisset, né à La Sauvagère (Orne) le 30 octobre 1837 et mort à La Ferté-Macé le 2 septembre 1919, est un écrivain français, connu à la fois comme un saint du calendrier pataphysique (le 25 haha) et comme un fou littéraire. L'écrivain André Breton lui a réservé une place de choix dans son anthologie de l'humour noir.
Wikipedia

Jean-Pierre Brisset est né le 30 octobre 1837 à La Sauvagère et mort à La Ferté-Macé le 2 septembre 1919 au n°6 de la rue aux Cordiers. Ses parents sont journaliers à la ferme de Gestel sur la commune de La Sauvagère. Il fréquente l’école communale quand les travaux des champs le lui permettent.
En 1852, il part à Paris pour apprendre le métier de pâtissier. Puis il s’engage dans l’armée en 1855 : il apprend les langues étrangères au cours des campagnes militaires. Enfin après avoir démissionné de l’armée et enseigné les langues, il devient commissaire de surveillance administrative des chemins de fer en 1879.
Jean-Pierre Brisset publie une dizaine d’ouvrages dont un Art de nager, des grammaires et des ouvrages prophétiques. Inventeur, il réalise deux inventions : une ceinture caleçon aérifère à double réservoir compensateur (l’ancêtre de la bouée) et une planchette calligraphique (l’ancêtre du normographe).
Des révélations divines lui inspirent des ouvrages prophétiques : La science de Dieu ou la création de l’homme en 1900 et Les origines humaines en 1913. Cette même année il a été élu « Prince des penseurs » (devant Bergson) pour l’ensemble de son œuvre à l’Hôtel des sociétés savantes à Paris. La cérémonie était organisée par Jules Romains.
Jean-Pierre Brisset dit que l’homme descend de la grenouille et le prouve par l’analyse du langage. Sa démonstration repose sur un incroyable réseau de jeux de mots : « l’analyse ne connaît que le son, c’est là le son, c’est la leçon qu’il faut retenir ». André Breton, Michel Leiris, Robert Desnos, Raymond Queneau , Michel Foucault et beaucoup d’autres écrivains font référence à Brisset. Sa technique d’écriture a été reprise par Robert Desnos dans Corps et biens.
Jean-Pierre Brisset a également intéressé les linguistes, les psychanalystes (dont Jacques Lacan), et suscité un grand nombre d’œuvres plastiques (on a pu le constater lors de l’exposition qui lui a été consacrée en 1995 à La Ferté-Macé). Il est représenté à l’Art Institute de Chicago et au Musée National d’Art moderne du Centre Beaubourg. Marcel Duchamp lui-même place Jean-Pierre Brisset dans sa bibliothèque idéale et s’en inspire dans la conception de ses célèbres « ready-made » comme l’explique Marc Décimo (spécialiste de Jean Pierre Brisset) dans son ouvrage Marcel Duchamp mis à nu : à propos du processus créatif publié aux Presses du Réel fin 2004.
L’œuvre de Jean-Pierre Brisset a été le point de départ de plusieurs pièces de théâtre en France, en Suisse et en Belgique (lesquelles ont tourné en Europe et au Canada) et de plusieurs œuvres de musique dont un opéra. Célébré par les pataphysiciens, cité dans les dictionnaires de Littérature et dans des manuels scolaires, Jean-Pierre Brisset a également fait l’objet d’un article dans le Times pour les cent ans du journal. L’œuvre a été rééditée intégralement en 2001 par les Presses de Réel et accompagnée d’une étude très approfondie de Marc Décimo.
Bibliothèque municipale de La Ferté-Macé



« Un jour que nous observions ces petites bêtes, en répétant nous-même ce cri : coac, l’une d’elles nous répondit, les yeux interrogateurs et brillants, par deux ou trois fois : Coac. Il nous était clair qu’elle disait : quoi que tu dis ? […] Nous avons encore noté, cara, cara ; cate cate, mais surtout le cri qu’ai quête. Ce dernier est un appel bien clair que la grenouille fait entendre dans les prés fleuris, où elle chasse les insectes. Il est bon, pour bien discerner ces cris, d’en voir et entendre une seule à la fois. Lorsqu’elles chantent en réunion, c’est de loin un brouhaha de foule humaine.
Le dictionnaire Larousse leur attribue les cris : Brekekex, coax et ololo. Au l’haut l’eau, au l’eau l’oz, au l’eau lò = Là à l’eau. Au lolo est un appel enfantin à boire du lait et l’eau est le premier lait. Nous n’avons entendu ni brekekex ni ololo, mais nous n’avons fait qu’une étude imparfaite. Le langage de la grenouille varie selon les lieux, les temps et les saisons… »
Jean-Pierre Brisset, La Science de Dieu ou la Création de l’homme [1900], « Les cris de la grenouille », Œuvres complètes, Dijon, Les presses du réel, 2001, p. 717-718.

« Continuons à entendre parler les ancêtres. À ce eau, à ce haut, à seau, à saut, assaut. À le, à ce haut, à ce eau, à l’assaut. Nous voyons l’ancêtre appelé vers l’eau et vers les hauteurs par des sots et des sauts. Les grands sots faisaient des grands sauts et les petits sots de petits sauts. C’étaient des sauteurs et la race des sauteurs n’est pas prête de s’éteindre. Vois-le, ce hauteur ! Vois le sauteur. En sûr saut = saute en lieu sûr. Ordre faisant sûr sauter, sursauter, et sûr s’ôter, en sursaut. A prends à ce haut t’ai = Prends là à ce que haut je t’ai. Apprends à sauter. Les anciens apprenaient aux jeunes à sauter en leur présentant quelque manger en l’air. Là saute, re aie-le (re aie-le = reprends-le). Là sauteur, aie-le. Le à ce hauteur aie-le. Là sot, t’erais-le = Tu l’aurais là, sot. Langage excitant à la poursuite de la sauterelle, une nourriture favorite de l’ancêtre qui fut lui-même la première sauterelle ainsi que le premier sauteur, ce auteur… »
Ibidem, « Premiers exercices et moyens d’existence », p. 708.

Quand ils partent à la recherche de l’origine du langage, les rêveurs se demandent toujours à quel moment le premier phonème s’est enfin arraché au bruit, introduisant d’un coup et une fois pour toutes, au-delà des choses et des gestes, l’ordre pur du symbolique. Folie de Brisset qui raconte, au contraire, comment des discours pris dans des scènes, dans des luttes, dans le jeu incessant des appétits et des violences, forment peu à peu ce grand bruit répétitif qui est le mot, en chair et en os. Le mot n’apparaît pas quand cesse le bruit; il vient à naître avec sa forme bien découpée, avec tous ses sens multiples, lorsque les discours se sont tassés, recroquevillés, écrasés les uns vers les autres, dans la découpe sculpturale du bruissement. Brisset a inventé la définition du mot par l’homophonie scénique….
Brisset est juché en un point extrême du délire linguistique… Tout ce qui est oubli, mort, lutte avec les diables, déchéance des hommes, n'est qu'un épisode dans la guerre pour les mots que les dieux et les grenouilles se livrèrent jadis au milieu des roseaux bruyants du matin.
Michel Foucault, extrait de la préface à la réédition de la Grammaire logique, éditions Tchou 1970.


> Les Œuvres complètes de Brisset aux éditions Les presses du réel, 2001.

> Marc Décimo, L’esprit de la modernité révélé par quelques traits pataphysiques – ou Le Brisset facile, éditions Les presses du réel, 2009.

> Un site consacré à Jean-Pierre Brisset.

> Jérôme Solal, Jean-Pierre Brisset et les hommes-grenouilles, Revue des ressources.

06 décembre 2009

Lumières pour enfants | Walter Benjamin, France Culture, Fictions/Enfantines, 25 octobre, 1er, 8 et 15 novembre 2009



Une série d’émissions présentées par Bruno Tackels et réalisées par Jacques Taroni.

Texte établi par Rolf Tiedemann, traduit de l'allemand par Sylvie Muller, et paru chez Christian Bourgois éditeur. Textes lus par Patrice Bornand et Andréa Schieffer.

« Le cours de la narration est en chute libre. La première guerre mondiale l’a rendue caduque, voire impossible. Les soldats revenus muets du front en sont l’allégorie la plus puissante. »
Cette analyse du philosophe Walter Benjamin est célèbre, tellement célèbre qu’elle a tendance à occulter cette autre intuition, non moins essentielle : dans ce monde coupé de la narration, se cache la possibilité de nouvelles histoires. Benjamin ne restera pas seulement le théoricien de cette intuition, et il passera à l’acte, en inventant le « conte radiophonique ».
A la fin des années 20, cinq ans durant, il travaillera en effet pour la radio publique de Berlin et Francfort, et il se jettera à corps perdu dans l’aventure de ce nouveau medium, riche en potentialités d’inventions et de véritables créations artistiques. Dans cet esprit, il a notamment réalisé une série d’émissions « pour les enfants », qui s’adressent en réalité tout autant aux adultes, d’une autre manière, grâce à la ruse et la malice de ce narrateur qui prend le masque d’un conteur pour enfants, qui lui permet de dire des choses étonnantes, qu’il ne pourrait pas dire frontalement sur les ondes.
Dans ces émissions pour enfants, à la fois contes et conférences, Walter Benjamin se promène dans l’espace et le temps, exactement comme il le fera dans sa vie d’intellectuel mobile et curieux de tout. La ville de Berlin est la scène privilégiée de ces flâneries radiophoniques : les marchés, les galeries commerçantes, les places, les monuments, les cités casernes, les usines, les théâtres, les marionnettes, les jouets, les escrocs, les marginaux, les enfants des rues, et plus loin de nous, les tziganes, la Bastille, les catastrophes ferroviaires, les brigands, les sorcières — autant de sujets décalés, loin de la grande histoire, l’officielle, toujours au service des vainqueurs et des dominants (donc des adultes !).
En adressant ces contes aux enfants à travers le medium de la radio, Benjamin poursuit en réalité la stratégie qu’il met en œuvre dans son travail philosophique dit « sérieux ». On peut même dire qu’il la pousse plus loin, et que le conte radiophonique lui permet de toucher au cœur de sa pensée, fragmentaire et subversive, prenant à rebrousse-poil l’humanisme socio-démocrate ambiant de l’époque — qui est toujours la nôtre.

Walter Benjamin, Lumières pour enfants. Paris : Christian Bourgois Editeur, 1988.


1. Le Dialecte berlinois

A l’écoute de la langue qui se parle dans les rues de Berlin, Benjamin entraîne les jeunes auditeurs dans les richesses souvent insoupçonnées de la langue ordinaire. A travers le dialecte de Berlin, Benjamin esquisse un portrait de sa ville, inattendu et plein d’humour, qui prend à rebours les opinions communes de la culture dominante.

Suivi d’un extrait de Cagliostro


2. Théâtre de marionnettes à Berlin

Fasciné par le théâtre, Benjamin prend le parti de nous y faire entrer par la petite porte, en évoquant le genre prétendument mineur du théâtre de marionnettes. Il nous le raconte en voyageant dans l’espace et le temps, accompagné de la figure tutélaire de Guignol. A travers lui, c’est une réflexion politique profonde sur la fonction politique de l’art, que Benjamin fait passer comme en contrebande, jusqu’à nos oreilles d’enfants.

Suivi d’un extrait de La catastrophe ferroviaire du Firth of Tay


3. Promenade des jouets à Berlin

Collectionneur passionné, Benjamin nous fait entrer dans l’univers vertigineux de ceux qui achètent, « sans raison », des objets qu’ils « libèrent de la corvée d’être utiles », en les faisant entrer dans le royaume magique de leurs collections. C’est en collectionneur amoureux que Benjamin nous initie à sa passion des jouets anciens — une manière efficace de nous faire entrer de plain-pied dans le monde de l’enfance, le plus sérieux du monde…

Suivi d’un extrait de La Bastille, vieille prison d’Etat française


4. Les Tziganes

Grand érudit curieux de tout, historien des marges et des sujets dits « mineurs », Walter Benjamin s’est intéressé au monde des tziganes, figure de l’autre inassimilable, qui en dit long sur une société qui ne parvient pas à les accueillir véritablement. C’est que Benjamin s’est toujours senti proche de ceux qui ne sont pas conformes à l’ordre : escrocs, prisonniers, sorcières, prostituées — le monde des bas-fonds, qui n’existeraient pas si le monde bourgeois n’en avait pas besoin.

Suivi d’un extrait de Caspar Hauser

Prise de son et mixage : Michel Mestre
Montage : Alisson Ascrizzi
Assistante : Marie Casanova

05 décembre 2009

La Dispute & L’Epreuve | Marivaux, France Culture, Fictions, Théâtre et Cie, 4 octobre 2009



La Dispute
de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Un enregistrement réalisé en studio par Étienne Valles. En collaboration avec Murielle Mayette, directrice de la Comédie-Française.

Une « expérience » : afin de savoir, une fois pour toutes, lequel des deux sexes a été le premier à faire preuve « d’inconstance et d’infidélité en amour », un prince a fait élever à l’écart de la société – hormis leurs serviteurs noirs, Mesrou et Carise – deux jeunes gens et deux jeunes filles. Maintenant qu’ils ont tous les quatre dix huit ans, le prince veut offrir à Hermianne le spectacle de leur première rencontre. Alors commence le jeu des attirances, des défiances, des vengeances, des humiliations et des calculs.

Avec : Véronique Vella (Adine), Thierry Hancisse (le Prince), Anne Kessler (Eglé), Céline Samie (Dina), Nicolas Lormeau (Meslis), Bakary Sangaré (Carise), Marie-Sophie Ferdane (Hermianne), Benjamin Jungers (Azor), Stéphane Varupenne (Mesrin), Ebra Tooré (Mesrou).

Bruitages, Alain Platiau. Assistance technique et montage : Clotilde Thomas
Prise de son et mixage : Claude Niort. Assistante à la réalisation : Delphine Lemer.


LEpreuve
de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Un enregistrement réalisé en studio par Catherine Lemire.

Quand Lucidor, fils d’un riche bourgeois et à la tête d’une grande fortune, tombe malade à la campagne, c’est Angélique, la fille de modestes propriétaires qui prend soin de lui. Un amour silencieux s’installe entre eux. Lucidor aimerait épouser Angélique mais, avant tout, il veut s’assurer que c’est lui qu’elle aime et non sa fortune. Il met alors en place un stratagème (avec travestissement) destiné à mettre la jeune fille à l’épreuve.

Avec : Catherine Sauval (Madame Argante), Françoise Gillard (Angélique), Céline Samie (Lisette), Jérôme Pouly (Frontin), Laurent Natrella (Lucidor), Grégory Gadebois (Monsieur Blaise).

Bruitages : Alain Platiau. Prise de son, montage et mixage : Pierre Minne, Sébastien Labarre. Assistante : Alexa Malka.


> Télécharger

01 décembre 2009

L’Illusion comique | Pierre Corneille, France Culture, Fictions / Théâtre et Cie, 11 octobre 2009



Réalisation de Catherine Lemire

« A trop faire de reproches à son fils, on le perd, et le regret de cet éloignement vous fait chercher tous les moyens de le revoir. C’est ce qui arrive à Pridamant que son ami Dorante conduit alors chez Alcandre, un homme hors du commun capable de miracles. Le magicien « donne un coup de baguette magique et on tire un rideau derrière lequel sont en parade les plus beaux habits des comédiens ». Les protagonistes deviennent alors des spectateurs sous les yeux desquels se déroulent comme à l’écran les aventures de Clindor, jeune homme prêt à tout, à « faire danser un singe au faubourg Saint-Germain », à tourner des rimes et des romans, à devenir le valet du poltron Matamore, même à monter sur les planches pour gagner sa vie et le cœur de l’irrésistible Isabelle. Ces péripéties, joyeuses ou tragiques, ne seraient que divertissement si Corneille n’en avait fait aussi une véritable apologie du théâtre par la virtuosité de la mise en abîme du théâtre dans le théâtre, par sa maestria dans la construction de la pièce et par les discours de ses personnages. »

Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France, ancien conservateur-archiviste de la Comédie-Française

Mise en scène de Galin Stoev. Avec : Alain Lenglet (Pridamant), Denis Podalydès (Matamore), Julie Sicard (Lyse), Loïc Corbery (Dorante, Clindor), Hervé Pierre (Alcandre, Géronte), Adrien Gamba-Gontard (Adraste, Le Geôlier), Judith Chemla (Isabelle). Musique composée par Sacha Carlson.

> Télécharger

28 novembre 2009

La Décennie rouge | Michel Deutsch, France Culture, Fictions, 4 juin 2006

Le spectacle Mensch oder Schwein, La Décennie rouge, est présenté au Théâtre national de la Colline à Paris du 21 mars au 10 avril 2009, dans une mise en scène de son auteur. Michel Deutsch a initialement écrit La Décennie rouge pour la radio en 2006. Et c’est le metteur en scène Georges Lavaudant, alors directeur du Théâtre de l’Odéon, qui, avec la complicité de Blandine Masson, réalisatrice, et alors directrice de la Fiction de la station, l’a réalisé pour France Culture. Le texte a, depuis lors, été publié aux éditions Bourgois et a reçu en 2008 le Grand Prix de la Littérature dramatique.

« En novembre 2005, nous diffusions un cycle d’émissions consacrées à Michel Deutsch, qui devait se conclure par une commande d’inédit pour une grande pièce de deux heures. Cet inédit, ce fut une pièce radiophonique écrite pour une trentaine de voix, intitulée La Décennie rouge et retraçant l’histoire mouvementée de la « bande à Baader ». J’ai proposé à Georges Lavaudant, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, de mettre en scène pour la radio, en studio, cette pièce inédite de Michel Deutsch. Georges Lavaudant, pourquoi ? Parce qu’il avait déjà mis en scène au théâtre des pièces de Michel Deutsch (Feroé la nuit, Histoires de France) mais aussi parce qu’il est l’un des metteurs en scène attentifs, en France, aux voix et à la création sonore. Il a accepté cette proposition et s’est enfermé plusieurs jours de suite dans un studio, avec la trentaine d’acteurs qui donnèrent vie à cette pièce. Il a poursuivi l’aventure avec le mixage, pour un travail collectif avec l’équipe de réalisation et l’auteur. Ingrid Caven a accepté, elle aussi, de prêter sa voix à la narratrice de cette Décennie rouge. Cette pièce pourrait être considérée comme une fiction documentaire, une entreprise risquée et très originale pour raconter une histoire mal connue, de manière très documentée, convoquant archives, citations, fiction, musique, reconstitution de journaux parlés… une vraie réponse à cette proposition : écrire pour la radio. »
Blandine Masson

« Mensch oder Schwein. La Décennie rouge est une plongée dans ce qu’on a pu appeler dans les années soixante-dix en Allemagne : « l’Allemagne en automne ». Que s’est-il passé ? Pourquoi, en se radicalisant, une bande de jeunes gens issus du mouvement étudiant s’est-elle engagée dans la voie du terrorisme ? Pourquoi une partie des intellectuels et de la bourgeoisie de gauche les a-t-elle soutenus ? Souvenons-nous : du milieu des années soixante à la fin des années soixante-dix il s’est développé dans la jeunesse des métropoles occidentales un vaste mouvement de contestation de la société libérale. L’intelligence était critique et la jeunesse luttait pour une autre société, une société plus égalitaire, plus libre, plus autonome. Ses rêves passaient par le « désir » de révolution.
On date la naissance de la RAF (Rote Armee Fraktion), plus connue sous le nom de Groupe Baader-Meinhof ou Bande à Baader, au 22 mai 1970, après le reflux de la révolte étudiante. L’Allemagne de l’Ouest, la République de Bonn, grâce au « miracle économique » était devenue la première Puissance d’Europe. « Un nain politique, un géant économique ». Nombreux étaient ceux qui décrivaient la trop prospère République fédérale comme un protectorat américain. Le mouvement d’opposition extraparlementaire considère le terrorisme et la guérilla urbaine comme un moyen de défense contre la « tyrannie de la consommation ». Baader, Ensslin, Meinhof et leurs camarades décident d’engager la lutte contre l’impérialisme américain et contre les structures autoritaires de la société libérale. Ils veulent instruire le procès des pères accusés d’être, sans exception, d’anciens nazis. Ils se heurtent de front à l’Etat, ne reculant ni devant les attentats ni devant les assassinats ou les enlèvements, au nom d’une lutte sans merci contre le capitalisme, d’un combat que la gauche sociale-démocrate (SPD) a renoncé à mener. La RAF attaque l’impérialisme au cœur même de ses métropoles. Elle affirme que ce n’est plus le prolétariat allemand embourgeoisé mais elle, désormais, qui est le sujet révolutionnaire.
Reste qu’en racontant l’histoire du Groupe Baader-Meinhof on ne peut pas faire l’économie de ses victimes. »
Michel Deutsch

Réalisation : Blandine Masson

Avec : Ingrid Caven (la narratrice)
Eric Elmosnino (Andreas Baader)
Dominique Reymond (Ulrike Meinhof)
Astrid Bas (Gudrun Ensslin)
Carlo Brandt (Horst Mahler)

Et avec : Michèle Foucher, Marc Bodnar, Matthieu Bauer, Roch Leibovici, Evelyne Didi, Georges Claisse, Georges Lavaudant, Martin Selze, Anne Benoit, Guillaume Durieux, Antoine Hamel, Xavier Boiffier, Bérangère Allaux, Olivier Treiner, Pascal Sangla, Daniel Kenigsberg, Andrea Schieffer, Alain Fromager, Luce Mouchel, Gilles David, Jean-Marie Winling, Jean-Pierre Vincent, Laurent Charpentier et Michel Deutsch.

> Télécharger

27 novembre 2009

In girum imus nocte et consumimur igni | Guy Debord (1978)



Au réalisme et aux accomplissements de ce fameux système, on peut déjà connaître les capacités personnelles des exécutants qu’il a formés. Et en effet ceux-ci se trompent sur tout, et ne peuvent que déraisonner sur des mensonges. Ce sont des salariés pauvres qui se croient des propriétaires, des ignorants mystifiés qui se croient instruits, et des morts qui croient voter.
Comme le mode de production les a durement traités ! De progrès en promotions, ils ont perdu le peu qu’ils avaient, et gagné ce dont personne ne voulait. Ils collectionnent les misères et les humiliations de tous les systèmes d’exploitation du passé ; ils n’en ignorent que la révolte. Ils ressemblent beaucoup aux esclaves, parce qu’ils sont parqués en masse, et à l’étroit, dans de mauvaises bâtisses malsaines et lugubres ; mal nourris d’une alimentation polluée et sans goût ; mal soignés dans leurs maladies toujours renouvelées ; continuellement et mesquinement surveillés ; entretenus dans l’analphabétisme modernisé et les superstitions spectaculaires qui correspondent aux intérêts de leurs maîtres. Ils sont transplantés loin de leurs provinces ou de leurs quartiers, dans un paysage nouveau et hostile, suivant les convenances concentrationnaires de l’industrie présente. Ils ne sont que des chiffres dans des graphiques que dressent des imbéciles.
Ils meurent par séries sur les routes, à chaque épidémie de grippe, à chaque vague de chaleur, à chaque erreur de ceux qui falsifient leurs aliments, à chaque innovation technique profitable aux multiples entrepreneurs d’un décor dont ils essuient les plâtres. Leurs éprouvantes conditions d’existence entraînent leur dégénérescence physique, intellectuelle, mentale. On leur parle toujours comme à des enfants obéissants, à qui il suffit de dire : « il faut », et ils veulent bien le croire. Mais surtout on les traite comme des enfants stupides, devant qui bafouillent et délirent des dizaines de spécialisations paternalistes, improvisées de la veille, leur faisant admettre n’importe quoi en le leur disant n’importe comment ; et aussi bien le contraire le lendemain.
Séparés entre eux par la perte générale de tout langage adéquat aux faits, perte qui leur interdit le moindre dialogue ; séparés par leur incessante concurrence, toujours pressée par le fouet, dans la consommation ostentatoire du néant, et donc séparés par l’envie la moins fondée et la moins capable de trouver quelque satisfaction, ils sont même séparés de leur propres enfants, naguère encore la seule propriété de ceux qui n’ont rien. On leur enlève, en bas âge, le contrôle de ces enfants, déjà leurs rivaux, qui n’écoutent plus du tout les opinions informes de leurs parents, et sourient de leur échec flagrant ; méprisent non sans raison leur origine, et se sentent bien davantage les fils du spectacle régnant que de ceux de ses domestiques qui les ont par hasard engendrés : ils se rêvent les métis de ces nègres-là. Derrière la façade du ravissement simulé, dans ces couples comme entre eux et leur progéniture, on n’échange que des regards de haine.

Guy-Ernest Debord

19 novembre 2009

Tchekhov à Sakhaline | France Culture, Surpris par la nuit, 29-31 décembre 2003



Par Jean-Hugues Berrou. Réalisation : Jean Couturier.

En avril 1890, Anton Tchekhov se lance dans un voyage démesuré. Alors que le transsibérien n’existe pas encore, il mettra plus de deux mois pour rejoindre l’île de Sakhaline, à 10 000 kilomètres de Moscou. Pourquoi ce voyage vers le plus isolé des bagnes russes ? Pour témoigner des conditions de vie des détenus déportés par les Tsars ? Pour fuir vers un « plus loin possible » ?…
Le photographe Jean-Hugues Berrou et le dessinateur Pascal Rabaté sont partis explorer cette part d’ombre dans la biographie de Tchekhov.
On y rencontrera des paysans, des historiens, des nostalgiques du communisme, d’anciens déportés, des Nifx et des Bouriates, ces peuples « assimilés » de l’Orient sibérien. Au fil des lectures et des entretiens, le quotidien de la Russie contemporaine s’ouvre peu à peu sur le temps complexe de la mémoire.

> Première émission
> Deuxième émission
> Troisième émission

(Photo : Tchekhov, un écrivain au bagne, documentaire de Guth Joly & Antoine Jesel, Brut Productions, 2007.)

18 novembre 2009

« La politique commence avec la capacité de feindre sa propre douleur »



La Chinoise, Jean-Luc Godard (1967)

La politique commence avec la capacité de feindre sa propre douleur, de lui constituer un masque, une fable qui la rende partageable au-delà de la crainte et de la pitié. Les bandelettes alors ne cachent pas seulement une fausse meurtrissure, elles exhibent une vérité – feinte, argumentée, communicable – d’une douleur passée en raisons.

Jacques Rancière, « La feinte douleur », La Quinzaine littéraire, n° 675, août 1995, repris dans Moments politiques, éditions La Fabrique, 2009.

06 novembre 2009

Nemo



20,000 Leagues Under the Sea (Vingt mille lieues sous les mers), Etats-Unis, 1916.



Réalisé par Stuart Paton. Nemo : Allen Holubar.
Le film entier ici.

20,000 Leagues Under the Sea (Vingt mille lieues sous les mers), Etats-Unis, 1954.


Réalisé par Richard Fleisher. Nemo : James Mason.

Mysterious Island (L'Île mystérieuse), Etats-Unis, 1961.



Réalisé par Cy Endfield. Nemo : Herbert Lom.
Le film entier ici.

Captain Nemo and the Underwater City (Le Capitaine Nemo et la ville sous-marine), Etats-Unis, 1969.


Réalisé par James Hill. Nemo : Tobert Ryan.

L'Île mystérieuse / La isla misteriosa, France-Espagne, 1973.




Réalisé par Juan Antonio Bardem, scénario de Jacques Champreux. Nemo : Omar Sharif.

Капитан Немо (Capitaine Nemo), URSS, 1975.


Réalisé par Василий Левин (Vasili Levin). Nemo : Владислав Дворжецкий (Vladislav Dvorzhetsky).
Trois parties : la première, la deuxième, la troisième.

The Return of Captain Nemo, Etats-Unis, 1978.


Réalisé par Alex March. Nemo : José Ferrer.

03 novembre 2009

Pierre Clastres (1934-1977) | France Culture, Surpris par la nuit, 14 février 2006

Par Marie du Bouchet. Réalisation Anne Fleury.

En 1977, l’ethnologue Pierre Clastres disparaissait à l’âge de quarante trois ans, laissant en chantier une oeuvre magistrale. Ethnologue américaniste, Pierre Clastres a passé plusieurs années parmi différentes tribus indiennes du Paraguay et du Brésil Central. Il relate l’ expérience acquise “sur le terrain” à travers ses trois ouvrages principaux Chronique des Indiens Guayakis, La Société contre l’État et Le Grand Parler. Au centre des débats ouverts par Clastres figure la question du pouvoir et de l’État dans les sociétés primitives sans jamais oublier d’interroger la question politique philosophique et poétique du langage. Le champ de réflexion inauguré par l’ethnologue- Philosophe il y a trente ans, nourrit encore aujourd’hui la pensée philosophique, ce que révèleront les témoignages de ceux qui ont cheminé avec lui : sa femme Hélène Clastres, l’ethnologue Michel Cartry, les philosophes Marcel Gauchet et Miguel Abensour, ainsi que le psychanalyste Claude Vivien. La voix de Pierre clastres sera entendue à travers la rediffusion d’archives.

> Télécharger

29 octobre 2009

Simplement compliqué | Thomas Bernhard (Arte Live Web)



Simplement compliqué
de Thomas Bernard. Mise en scène et interprétation : Georges Wilson. Lumière : Philippe Vialatte. Scénographie : Mélissa Ponturo. Filmé le 24/10/2009 au théâtre des Bouffes du Nord (Paris).

Arte Live Web

26 octobre 2009

Julio Cortázar entre ciel et terre | France Culture, Surpris par la nuit, 26 juin 2007


Par Andréa Cohen. Réalisation Anna Szmuc.

L'émission propose un portrait intime de l'écrivain Julio Cortázar (1914-1984) à partir de visites de ses proches qui ont eu lieu à Paris, à Saignon (Luberon) où Cortázar avait sa maison d'été et dans le Var où séjourne son ami, l'écrivain belge Pierre Mertens. Outre les témoignages, Cortázar sera présent dans l'émission au travers d'extraits de son œuvre littéraire, de musiques qu'il aimait, et, grâce aux archives de l'INA, à travers sa propre voix. (Première diffusion le 5/12/2001)

> Télécharger

Cortázar | Tristán Bauer (1994)

25 octobre 2009

Ha ! que le bonheur est proche !



La Salamandre (Suisse, 1971), réalisé par Alain Tanner, scénario de John Berger & Alain Tanner, avec Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis...

24 octobre 2009

Fraction Armée Rouge, suite et fin | France Culture, Surpris par la nuit, 31 mai, 1er et 2 juin 2006



Par Kristel Le Pollotec. Réalisation Anne Fleury.

Le 18 octobre 1977, les corps d’Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe sont retrouvés dans leur cellule. La mort violente des fondateurs de la Fraction Armée Rouge a suscité de nombreuses questions, meurtre d’Etat ou suicide, peu importent les réponses, la légende est née. Officiellement, la RAF s’est dissoute en 1998, après 25 ans d’existence. Bilan : 39 victimes. Dans les rangs des terroristes, on compte trente morts. Aujourd’hui encore, la RAF ne cesse d’exercer un pouvoir de fascination-répulsion. Elle porte également le passé nazi, les rapports Est-Ouest, les relations avec le terrorisme du Proche-Orient et le clivage gauche-droite en Allemagne. Au cours de ces trois émissions, nous reviendrons sur le parcours de la RAF avec d’anciens terroristes et sympathisants, des journalistes et historiens, un ancien policier ou la fille d’Ulrike Meinhof. D’un côté comme de l’autre, il est encore difficile d’analyser les faits avec distance, comme si la radicalité du mouvement empêchait toute neutralité.

1. 31 mai : une île sur la mer Rouge
Retour sur le Berlin des années 60 et la naissance de la RAF. Avec : Beate Klarsfeld, Bettina Röhl, journaliste et fille d’Ulrike Meinhof, Stefan Aust, rédacteur en chef du Spiegel, Marek Dutschke, fils de Rudi Dutschke, Ulrike Edschmiedt, écrivain, Dorothea Haüser, spécialiste de la RAF, Tobias Wunschik, politologue, Jurgen Miermeister, journaliste, Dieter Schenk, ancien policier, Heike Hurst, journaliste, Gerd Conrad, cinéaste, Harun Farocki, écrivain, Maren Sell, éditrice et Bommi Baumann, ancien terroriste et écrivain.

2. 1er juin : 6 contre 60 millions
Biographie des leaders de la RAF, Ulrike Meinhof, Andreas Baader, Holger Meins, Gudrun Ensslin jusqu’à leur arrestation et le procès de Stammheim.

3. 2 juin : l’automne allemand
L’automne 77 en Allemagne a connu l’apogée de la violence terroriste, jusqu’à la mort de la première génération en prison. Dans cette émission, nous reviendrons sur « l’automne allemand » ainsi que sur les deuxième et troisième générations de la RAF et leurs liens avec la RDA et le Proche-Orient.

23 octobre 2009

Hjaltalín (encore)

Þú komst við hjartað í mér (Páll Óskar)



Trailer Music || Rafskinna #2



Hjaltalín : Axel (batterie), Guðmundur Óskar (basse), Hjörtur Ingvi (clavier), Högni (chant/guitare), Rebekka Bryndís (basson), Sigga (chant), Viktor (violin).

> Myspace

> Interviews sur Haldern Pop Television (Haldern Pop Festival)

11 octobre 2009

Milonga de Manuel Flores | Jorge Luis Borges & Annibal Troilo



Invasión (Argentine, 1969), réalisé par Hugo Santiago, scénario de Jorge Luis Borges & Adolfo Bioy Casares.

Le film entier (sous-titré en anglais) : ici.


Manuel Flores va a morir.
Eso es moneda corriente ;
Morir es una costumbre
Que sabe tener la gente.

Y sin embargo me duele
Decirle adiós a la vida,
Esa cosa tan de siempre
Tan dulce y tan conocida.

Miro en el alba mis manos,
Miro en las manos las venas ;
Con extrañeza las miro
Como si fueran ajenas.

Vendrán los cuatro balazos
Y con los cuatro el olvido ;
Lo dijo el sabio Merlín :
Morir es haber nacido.

¡Cuánta cosa en su camino
estos ojos habrán visto !
Quién sabe lo que verán
Después que me juzgue Cristo.

Manuel Flores va a morir.
Eso es moneda corriente ;
Morir es una costumbre
Que sabe tener la gente.

Para las seis cuerdas,
1965.


>
Entretien avec Hugo Santiago sur le site Dissidenz.com

>
Jacques Ancet, Tango, milonga et compadritos. Du côté de chez Jorge Luis Borges.

> Edouard Waintrop, Sur un scénario de Borges, Libération, 09/10/2002.

01 octobre 2009

Martin Majoor :: interview | Typeradio, 07/09/2009



Martin Majoor discusses his first type and lettering books given to him by his grandfather and his first typeface. He recounts his art school days in Arnhem and his current teaching practice and teaching philosophies. He speaks in regards to the influence of history on his work, the difference between working with text typefaces and display typefaces and his hate for Helvetica. Recorded at the 33pt conference 2009 in Dortmund.

Ecouter : première partie

Martin Majoor discusses the new typeface for the Dutch government (Rijksoverheid Serif and Sans). His differing roles as a book designer and as a type designer. He reflects on the lack of female type designers and in graphic design in general. He speaks about how he names his typefaces as well as his current projects. Recorded at the 33pt conference 2009 in Dortmund.

Ecouter : seconde partie




> MM @ Wikipedia

> www.martinmajoor.com

>> MM @ FontShop

26 septembre 2009

India Song | Marguerite Duras, France Culture, Atelier de création radiophonique, 12/11/1974

C’est l’histoire d’une création sonore et radiophonique qui précéda une création cinématographique. India Song est né de l’amitié d’Alain Trutat (alors responsable des émissions dramatiques sur France Culture, et créateur de l’ACR) et de Marguerite Duras.
Alain Trutat a toujours œuvré pour mêler la radio aux autres disciplines artistiques, pour l’ouvrir aux écrivains, aux artistes, à la création sous toutes ses formes. En bref, pour que la radio ne reste pas une affaire de spécialistes. C’est ainsi qu’il donna la possibilité à Marguerite Duras, de créer India Song à la radio, accompagnée d’une équipe de réalisation. Elle fabriqua cette bande sonore dans la perspective du film à venir, celui que nous connaissons aujourd’hui, et qui reste légendaire, avec les voix inoubliables de Delphine Seyrig et Michael Lonsdale.

Réalisation : Georges Peyrou.
Avec : Marguerite Duras, narratrice, et Alain Adair, Louis Amiel, Jean-Pierre Andreani, Jean Bollery, Mildred Clary, Claire Deluca, Daniel Dobbels, Douchka, René Erouk, Vivianne Forrester, Nicole Hiss, Gilles Guillot, Maria Laborit, Michael Lonsdale, François Marthouret, Dionys Mascolo, Jean-Marie Patte, Monique Simonnet, Humbert Smith, Uta Taeger et Hans Verner.
Musique originale: Carlos d’Alessio. Piano : Gérard Frémy.

> Télécharger

Béla Tarr

L'Homme de Londres (A Londoni férfi), 2007




Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister Harmóniák), 2000






Sátántangó, 1994




Damnation (Kárhozat), 1988





>>

23 septembre 2009

Rehearsal for Spring | Rachel Grimes



A chapter from “Rotating Mirror”, a film by Greg King. Features a previous version and recording made for this film of “Long Before Us” from “Book of Leaves”.

> Rachel Grimes @ Myspace

> www.rachelgrimespiano.com

22 septembre 2009

Costa deux fois




La plage serait à peu près la seule activité de Boz s’il n’éprouvait en même temps le désir de commencer quelque chose, on ne sait pas quoi. Entre les deux (son goût pour la plage et ses velléités de commencement) il pense à Commons. Oui. La pensée de Commons accompagne Boz dans les intervalles. Et voilà que Boz, qui au début ne fait pas grand-chose (personne ne peut dire le contraire), voilà qu’entre ses commencements, la plage et Commons — la pensée de Commons — Boz, maintenant, est aussi occupé que n’importe qui. D’autant plus qu’il y a Llac, de-ci de-là, dans l’histoire.

Christian Costa, L’Eté deux fois, éditions de Minuit, 1989.





On a ressuscité Costa

Quand en 1989, Christian Costa publia son premier et unique livre, L’Été deux fois , il fut salué comme le nouveau Jean-Philippe Toussaint ou le nouvel Echenoz. Puis plus rien. Disparition complète. Jusqu’à ce qu’un passionné, Guillaume Daban, retrouve sa trace et remette aujourd’hui à l’honneur son ouvrage, qui dans cette rentrée littéraire vit donc une seconde « rentrée ». Costa deux fois.

Le Point, 22/09/2009

Le Point : Parlez-nous d’abord de cet événement littéraire que vous organisez à Saint-Germain-des-Prés, du 22 au 26 septembre 2009, autour de l’écrivain Christian Costa*...
Guillaume Daban : En cette rentrée littéraire riche de 659 romans, Nicolas Deman et moi-même proposons ce qui ressemble à une gageure : ne présenter qu’un seul livre, vieux de vingt ans, sous toutes ses coutures (manuscrit, tapuscrit, extraits, correspondance, photos, montages) et de surcroît dans une galerie d’art. Il s’agit de L’Été deux fois , unique roman de Christian Costa, paru en toute discrétion aux Éditions de Minuit en 1989 mais qu’une poignée de lecteurs fervents considèrent - à juste titre - comme un chef-d’œuvre. D’où l’hommage germanopratin rendu, fin septembre, à cet ouvrage qui échappe aux modes et continue de nous toucher.

S’il fallait donner envie à un ami de lire son roman, que lui diriez-vous ?
C’est un livre très drôle et très désespéré. L’élégance de l’écriture et le côté pince-sans-rire du texte évoquent les meilleurs pages de Jean-Philippe Toussaint ou les premiers romans d’Echenoz. Mais l’humour de cet Oblomov moderne ne saurait masquer la gravité de cet ouvrage où il ne se passe (apparemment) pas grand-chose et où il est pêle-mêle question d’amitié virile, de tauromachie, de plage, d’oisiveté, de désillusions, de velléités, de volley-ball, de l’impossibilité d’écrire et de la difficulté de vivre. La vie, se dit-il, l’existence. Les moments creux. En refermant ce livre envoûtant, on songe à L’Étranger de Camus ou à Un homme qui dort de Perec. Ceux qui relisent Christian Costa chaque été comparent volontiers son roman à un vieux vêtement de plage, usé jusqu’à la corde, qu’on ne jetterait pour rien au monde, et qu’on abandonne à regret à la fin du mois d’août pour mieux le retrouver l’été suivant.

Comment avez-vous retrouvé la trace de cet auteur-culte qui avait disparu ?
J’ai lu le livre dès sa parution, en 1989. Coup de foudre. En 1992 j’ai constaté avec tristesse sa disparition du catalogue des Éditions de Minuit. Cela ne m’a pas empêché d’en commander chaque année de nombreux exemplaires en librairie pour les offrir à mon entourage. En 1996, Jérôme Lindon, son éditeur, m’a répondu : « Vous nous avez demandé des nouvelles de Christian Costa. Impossible de vous en donner : nous n’en avons pas nous-mêmes depuis plusieurs années. Nous savons seulement qu’il a quitté la Corse où il habitait quand il nous a adressé L’Été deux fois . Depuis, rien, ni lettre ni manuscrit. Je le regrette comme vous. » En 2008, malgré tout, je me suis résolu à écrire à l’auteur, « aux bons soins des éditions de Minuit ». Miracle postal et émouvante réponse de Christian Costa, qui est professeur de philosophie dans le sud de la France. Il y évoque ce livre qu’il croyait « oublié définitivement et depuis longtemps », dont il doutait même parfois « qu’il ait pu appartenir à la catégorie des livres ». L’auteur me remerciait, au passage, pour la « petite circulation fervente » que j’avais entretenue autour de ce livre, et ce « filet d’existence » dont avait bénéficié le roman.

Sait-on pourquoi cet auteur n’a plus jamais écrit de livre depuis 1988 ?
Mystère. Seul Christian Costa le sait. À moins que ce premier roman ne porte en lui sa propre fin. Ne s’achève-t-il pas par la phrase : N’ajouter rien.

Quel est votre objectif en ressuscitant Christian Costa et quels moyens êtes-vous prêts à employer ?
Les admirateurs de L’Été deux fois forment en quelque sorte une société secrète. Mon objectif est d’élargir le cercle des lecteurs de Christian Costa, de donner une seconde vie à ce roman. Seule une parution en poche permettrait d’en assurer une grande diffusion. Je rêve d’une édition avec une préface d’Éric Holder (conquis par Costa) et une postface de Patrick Modiano (qui ne l’a pas encore lu...).

Comment ont réagi les Éditions de Minuit à votre initiative ?
Favorablement, en nous permettant d’acquérir un grand nombre d’exemplaires (par chance, Minuit ne pilonne pas les invendus) et en nous laissant carte blanche pour cette exposition. Mais notre enthousiasme pour ce roman oublié doit les laisser perplexes...

Propos recueillis par François-Guillaume Lorrain

* Exposition Costa. Galerie Nicolas Deman. 12 rue Jacques Callot. Paris 6e. Du 22 au 26 septembre.

20 septembre 2009

Institute Benjamenta, or This Dream People Call Life | Stephen & Timothy Quay (1995)



D'après Robert Walser, Jakob von Gunten. Ein Tagebuch, 1909, L'Institut Benjamenta, traduit de l'allemand par Marthe Robert, Grasset, 1960.

18 septembre 2009

Síðasti bærinn | Rúnar Rúnarsson (2004)



Síðasti bærinn / The Last Farm
Réalisation & scénario : Rúnar Rúnarsson. Musique : Kjartan Sveinsson. Avec : Ólafía Hrönn Jónsdóttir (la fille), Jón Sigurbjörnsson (Hrafn), Sigurður Skúlason (le facteur), Kristjana Vagnsdóttir (Gróa).

thelastfarm.blogspot.com

17 septembre 2009

Blanche-Neige, dramolet | Robert Walser, France Culture, Fictions/Perspectives contemporaines, 27/12/2008



La Reine :
Dis, tu es malade ?

Blanche-Neige :
Quelle question, quand vous n’avez
que vœux de mort pour la trop belle
qui blesse à tout instant vos yeux.
À quoi servent ces doux regards.
La bonté qui sort toute aimante
de vos yeux n’est que faux-semblant.
Votre douceur de ton est feinte.
La haine habite votre cœur.
Vous avez mandé le chasseur
pour moi, pour qu’il lève sa dague
sur ce visage haï de vous.
Suis-je malade, dites-vous ?
Railler va mal à bouche douce.
À ne plus craindre d’offenser,
douceur s’aigrit en raillerie.
Malade, moi ? Non, je suis morte.
La pomme empoisonnée fait mal,
oh oh, si mal, et de vous, Mère,
c’est de vous que je l’ai reçue.
Malade, alors, moi, raillez-vous ?


Réalisation : Jean Couturier.
Texte traduit de l’allemand par Hans Hartje et Claude Mouchard, publié aux éditions José Corti.

Blanche-Neige est l’un des écrits décisifs de Robert Walser (né en 1878 à Bienne et mort en 1956 près de l’établissement psychiatrique d’Herisau), comme le souligne Walter Benjamin, dès 1929 : « Blanche-Neige, l’une des œuvres les plus profondément significatives de la poésie récente. Elle suffit à elle seule à faire comprendre pourquoi cet écrivain, apparemment le plus fantaisiste de tous, fut un auteur de prédilection pour l’inflexible Kafka. »
De la Blanche-Neige des Grimm, qui sert de prologue implicite à cette œuvre poétique-dramatique où tout se joue une fois « qu’ils furent heureux » entre une Belle-mère équivoque et bien vivante, un chasseur viril et un prince fuyant, ne semblent rester que ces mots de Blanche-Neige : « C’est un mensonge noir et fou, dur à entendre, bon à faire peur aux enfants. Va-t’en mensonge ! »

Avec : Alys-Yann Schmidt (Blanche-Neige), Pierre Notte (le Prince), Elisa Servier (la Reine), Jean Bollery (le Roi) et Olivier Martial (le chasseur).

> Télécharger

15 septembre 2009

La grenouille et le pataphysicien | France Culture, Surpris par la nuit, 19/02/2008



Par Andréa Cohen. Réalisation : Anna Szmuc.

L’émission traite de la grenouille. Objet de laboratoire, mets de choix, c’est un animal-symbole qui se trouve au cœur de la pensée populaire traditionnelle. Il est présent dans les mythes de création de plusieurs civilisations et devient un objet maléfique dans la pensée judéo-chrétienne. Une place particulière reviendra à Jean-Pierre Brisset (1837-1919). Fou littéraire et pataphysicien avant la lettre, il prétendait expliquer les origines du langage humain par le langage des grenouilles, dont l’homme serait le descendant : « Le son de sa voix et la mélopée du chant de la grenouille ont déjà quelque chose d’humain ».

Avec la voix de Michel Foucault. Musique : Andrew Hugill. Textes de Jean-Pierre Brisset. Archives Ina : Martine Auger.

Invités

Andrew Hugill. Compositeur et pataphysicien qui a collecté de centaines de sons de grenouille pour en faire des compositions musicales.
Marc Décimo. Ecrivain spécialiste de l’œuvre de Jean-Pierre Brisset.
Anne-Marie Ohler et Alain Dubois. Responsables du Laboratoire reptiles-amphibiens du Muséum national d'histoire naturelle de Paris.
Murielle Bloch et Laurence Benedetti. Conteuses.
Yolande Bacot. Directrice artistique de l’exposition « Bêtes et hommes » à la Grande Halle de La Villette.
Yves Camdeborde. Chef cuisinier.
Lafcadio Mortimer. Ecrivain, peintre et pataphysicien.

> Télécharger

Chinook Winds | Sunwrae Ensemble, Thornbury Theatre, Melbourne, 04/06/2009

12 septembre 2009

Sarane Alexandrian (1927-2009)



Communiqué de Christophe Dauphin et Marc Kober

Notre ami Sarane Alexandrian est décédé le 11 septembre 2009, à Ivry-sur-Seine, où il était hospitalisé. Le Grand Cri-chant (comme l’avait surnommé Victor Brauner) a rejoint la Fée-précieuse, son épouse, le peintre Madeleine Novarina.
Résolument poète, dans la mesure où la poésie est une manière de vivre et pas seulement d’écrire, Sarane Alexandrian est né en 1927 à Bagdad, où son père était le stomatologiste du roi Fayçal 1er. Durant son adolescence en France, il participe, à seize ans, à la Résistance dans le Limousin. À la même période, il est initié au dadaïsme et au non-conformisme par le dadasophe Raoul Hausmann. À vingt ans, à Paris, il devient « le bras droit d’André Breton », selon l’opinion publique, et « le théoricien n°2 du surréalisme ». Co-fondateur, en 1948, de la revue Néon et porte-parole du « Contre-groupe H » qui se regroupe autour de Victor Brauner, Alexandrian devient le chef de file de la jeune garde surréaliste (Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud, Alain Jouffroy, Jean- Dominique Rey…), des novateurs, qui s’opposent aux orthodoxes du mouvement, en situant le surréalisme « au-delà des idées » et en accordant la priorité au « sensible ». La « rupture » avec André Breton intervient en octobre 1948. Depuis lors, l’importance, comme l’influence, de Sarane Alexandrian, n’ont pas tant reposé sur son activité au sein du groupe surréaliste, que sur sa démarche de continuité et de dépassement de ce mouvement. Romancier, essayiste, historien d’art, journaliste (L’Œil, L’Express) et fondateur, en 1995, de la revue d’avant-garde Supérieur Inconnu (dont le numéro spécial sur « l’Art de vivre » paraitra fin septembre 2009 en même temps que le dernier livre de Sarane Alexandrian : L’Art surréaliste, éditions Filipacchi), Sarane Alexandrian, a publié de nombreux livres, dont certains ont connu un succès international : Le Surréalisme et le rêve (Gallimard, 1974), Histoire de la philosophie occulte (Seghers, 1983), Histoire de la littérature érotique (Seghers, 1989). Ses romans « d’aventures mentales », comme ses nouvelles, imbibées de poésie, sont de véritables mythes modernes écrits en autohypnose. Toutes ses œuvres de fiction, véritables poèmes en prose, sont fondées sur le principe de la métaphore en action. Les Terres fortunées du songe, avec dix-huit dessins de Jacques Hérold, (Galilée, 1980), est indéniablement le chef-d’œuvre de sa création, et l’une des plus hautes cimes de la prose surréaliste. Il s’agit d’un roman mythique absolument inclassable, ni science-fiction, ni allégorie, ni récit fantastique traditionnel, ni satire d’humour noir, mais tenant de tout cela ensemble. Sa dernière publication aura été Les Peintres surréalistes (Anna Graham, New York-Paris, 2009), somme dans laquelle il démontre qu’il est l’un des meilleurs connaisseurs de l’art surréaliste. Un des titres auquel il tenait par-dessus tout aura été d’avoir animé, en vingt-neuf numéros, l’une des meilleures revues littéraires et artistiques de la dernière décennie, et d’avoir réuni autour de lui une « fratrie » ardente, qui aspire à être à la hauteur de son magnifique non-conformisme.

A consulter : Sarane Alexandrian, L’Aventure en soi, autobiographie, Le Mercure de France, 1990. Christophe Dauphin, Sarane Alexandrian ou le grand défi de l’imaginaire, Bibliothèque Mélusine, L’Âge d’Homme, 2006.

Christophe Dauphin et Marc Kober

Willy Ronis (1910-2009)



France Culture, Les Affinités électives, 10 mars 2005
Par Francesca Isidori.

> Télécharger

Dans la solitude des champs de coton | Bernard-Marie Koltès, France Culture, Fiction/Théâtre & Cie, 19/12/2004



Réalisation : Jacques Taroni. Avec : Bernard Ballet (le dealer) & Denis Lavant ((le client).

Si un chien rencontre un chat - par hasard, ou tout simplement par probabilité, parce qu'il y a tant de chiens et de chats sur un même territoire qu'ils ne peuvent pas, à la fin, ne pas se croiser - ; si deux hommes, deux espèces contraires, sans histoire commune, sans langage familier, se trouvent par fatalité face à face - non pas dans la foule ni en pleine lumière, car la foule et la lumière dissimulent les visages et les natures, mais sur un terrain neutre et désert, plat, silencieux, où l'on se voit de loin, où l'on s'entend marcher, un lieu qui interdit l'indifférence, ou le détour, ou la fuite - ; lorsqu'ils s'arrêtent l'un en face de l'autre, il n'existe rien d'autre entre eux que l'hostilité, qui n'est pas un sentiment, mais un acte, un acte d'ennemis, un acte de guerre sans motif.
Les vrais ennemis le sont de nature, et ils se reconnaissent comme les bêtes se reconnaissent à l'odeur. Il n'y a pas de raison à ce que le chat hérisse le poil et crache devant un chien inconnu, ni à ce que le chien montre les dents et grogne. Si c'était de la haine, il faudrait qu'il y ait eu quelque chose avant, la trahison de l'un, la perfidie de l'autre, un sale coup quelque part ; mais il n'y a pas de passé commun entre les chiens et les chats, pas de sale coup, pas de souvenir, rien que du désert et du froid. On peut être irréconciliables sans qu'il y ait eu de brouille ; on peut tuer sans raison : l'hostilité est déraisonnable.
Le premier acte de l'hostilité, juste avant le coup, c'est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l'amour en l'absence de l'amour, le désir par répulsion. Mais c'est comme une forêt en flammes traversée par une rivière : l'eau et le feu se lèchent, mais l'eau est condamnée à noyer le feu, et le feu forcé de volatiliser l'eau. L'échange des mots ne sert qu'à gagner du temps avant l'échange des coups, parce que personne n'aime recevoir de coups et tout le monde aime gagner du temps.
Selon la raison, il est des espèces qui ne devraient jamais, dans la solitude, se trouver face à face. Mais notre territoire est trop petit, les hommes trop nombreux, les incompatibilités trop fréquentes, les heures et les lieux obscurs et déserts trop innombrables pour qu'il y ait encore de la place pour la raison.

> Télécharger

06 septembre 2009

Walser forte, Walser piano | France Culture, Surpris par la nuit, 1-5 janvier 2007



Par Alain Veinstein. Réalisation: Mehdi El Hadj.

Le 25 décembre 1956, non loin de l’asile de Herisau, en Suisse, où il était interné depuis 1933, des enfants retrouvaient le corps de Robert Walser, enfoui dans la neige. Il était mort pendant une promenade solitaire. Cinquante ans plus tard, Surpris par la nuit consacre une série de cinq émissions à cet écrivain qui se disait lui-même « si joliment à l’écart ».
Né à Bienne en 1878, « avant-dernier d’une famille de huit enfants, précise-t-il dans une notice biographique, il fréquenta l’école jusqu’à l’âge de quatorze ans et se prépara à la profession d’employé de banque ». Sa mère mourra folle deux ans plus tard. L’un de ses frères connaîtra le même destin. A dix-sept ans, il quitte sa famille pour une vie errante. « Convaincu que l’art est quelque chose de grand », pour s’y consacrer (il songe d’abord au théâtre), il change sans cesse d’emploi et de domicile, passant de Bâle à Zürich et à Stuttgart, où il est accueilli par son frère Karl, peintre et décorateur de théâtre apprécié. Il exerce une multitude de petits métiers, domestique, employé, ouvrier dans une fabrique de tissus… En 1925, après avoir suivi une formation dans une école de valets, il est engagé pour quelques mois dans un château de Haute Silésie. L’année suivante, il rejoint Karl à Berlin. Il y restera sept années qui se solderont à ses yeux par un échec total. Déjà « malade à l’intérieur », il se brouille avec tous ceux qui peuvent l’aider et s’enfonce dans la dépression. « Après quoi – selon ses propres termes – il rentre chez lui et s’installe à Bienne pour parachever autant que possible l’œuvre commencée et, si l’on peut dire, l’arrondir aussi généreusement que possible. »
A Bienne, où il veut « passer aussi inaperçu qu’il se peut », il écrit des proses, esquisses, chroniques ou récits de petite dimension. Il considère désormais le roman (il en a écrit quatre – Les Enfants Tanner, Le Commis, L’Institut Benjamenta, et sans doute d’autres qu’il a détruits) comme « une forme beaucoup trop vaste pour son talent ». Un point de vue que ne partagent pas quelques lecteurs qui se nomment notamment Robert Musil, Hermann Hesse, Walter Benjamin, Stefan Zweig ou Franz Kafka.
En 1920, dans un complet dénuement, Robert Walser prend une place de second bibliothécaire à Berne. Il n’y tiendra que six mois avant de retrouver sa solitude. Son dernier livre, La Rose, paraît à Berlin en 1925.
Après plusieurs tentatives de suicide, Walser accepte d’être conduit par sa soeur Lisa à l’asile de Waldau. Il vient d’avoir cinquante ans. L’écriture l’occupe encore. Il compose des textes selon un procédé qu’il a mis au point, les fameux « microgrammes », une écriture minuscule abrégée selon un code personnel et tracée au crayon que des chercheurs mettront vingt ans à déchiffrer (ils découvriront notamment un quatrième roman, Le Brigand).
Mais en 1933, il est transféré contre son gré à l’asile de Herisau où il passera les vingt-trois dernières années de sa vie sans écrire une ligne. « A quoi bon ? a-t-il confié à Carl Seelig, qui fut alors son seul visiteur, mon monde fut mis en pièces par le nazisme. »
Dans cette série de Surpris par la nuit, ce n’est pas l’image de Walser dominée par le « pittoresque » qui sera privilégiée. Nous nous attacherons plutôt à rendre compte de son exceptionnelle liberté d’écriture et de ses élans d’imagination qui conduisent les lecteurs dans des régions toujours inattendues. C’est sa voix que nous voudrions faire entendre en nous mettant à l’écoute de ceux qui ont accepté de nous introduire dans l’intimité de leur lecture et de nous offrir de partager leur sympathie pour une œuvre troublante, rebelle à toutes les classifications.


1. Une vie de poète

Avec Gilles Mora, Philippe Lacadée, Catherine Sauvat, Marion Graf, Marlyse Piétri, Peter Utz, Dominik Muller. Lectures: Valérie Lang.

2. L’écriture de Robert Walser

Avec Catherine Sauvat, Marion Graf, Marlyse Piétri, Peter Utz, Dominik Muller. Lectures: Valérie Lang.

3. Lectures de Robert Walser

Avec Jean Starobinski, Alberto Manguel, Philippe Lacadée, Georges-Arthur Goldsmith, Pierre Pachet. Lectures: Valérie Lang.

4. Lire et écrire avec Robert Walser

Avec Antonio Tabucchi, Jean Frémon, Claudio Magris, Paul Nizon, Elfriede Jelinek, Enrique Vila-Matas. Lectures: Valérie Lang.

5. Traduire Walser

Avec Jean-Claude Schneider, Nicole Taubes, Claude Mouchard, Roger Lewinter, Bernard Lortholary, Jean Launay. Lectures: Valérie Lang.