06 décembre 2009

Lumières pour enfants | Walter Benjamin, France Culture, Fictions/Enfantines, 25 octobre, 1er, 8 et 15 novembre 2009



Une série d’émissions présentées par Bruno Tackels et réalisées par Jacques Taroni.

Texte établi par Rolf Tiedemann, traduit de l'allemand par Sylvie Muller, et paru chez Christian Bourgois éditeur. Textes lus par Patrice Bornand et Andréa Schieffer.

« Le cours de la narration est en chute libre. La première guerre mondiale l’a rendue caduque, voire impossible. Les soldats revenus muets du front en sont l’allégorie la plus puissante. »
Cette analyse du philosophe Walter Benjamin est célèbre, tellement célèbre qu’elle a tendance à occulter cette autre intuition, non moins essentielle : dans ce monde coupé de la narration, se cache la possibilité de nouvelles histoires. Benjamin ne restera pas seulement le théoricien de cette intuition, et il passera à l’acte, en inventant le « conte radiophonique ».
A la fin des années 20, cinq ans durant, il travaillera en effet pour la radio publique de Berlin et Francfort, et il se jettera à corps perdu dans l’aventure de ce nouveau medium, riche en potentialités d’inventions et de véritables créations artistiques. Dans cet esprit, il a notamment réalisé une série d’émissions « pour les enfants », qui s’adressent en réalité tout autant aux adultes, d’une autre manière, grâce à la ruse et la malice de ce narrateur qui prend le masque d’un conteur pour enfants, qui lui permet de dire des choses étonnantes, qu’il ne pourrait pas dire frontalement sur les ondes.
Dans ces émissions pour enfants, à la fois contes et conférences, Walter Benjamin se promène dans l’espace et le temps, exactement comme il le fera dans sa vie d’intellectuel mobile et curieux de tout. La ville de Berlin est la scène privilégiée de ces flâneries radiophoniques : les marchés, les galeries commerçantes, les places, les monuments, les cités casernes, les usines, les théâtres, les marionnettes, les jouets, les escrocs, les marginaux, les enfants des rues, et plus loin de nous, les tziganes, la Bastille, les catastrophes ferroviaires, les brigands, les sorcières — autant de sujets décalés, loin de la grande histoire, l’officielle, toujours au service des vainqueurs et des dominants (donc des adultes !).
En adressant ces contes aux enfants à travers le medium de la radio, Benjamin poursuit en réalité la stratégie qu’il met en œuvre dans son travail philosophique dit « sérieux ». On peut même dire qu’il la pousse plus loin, et que le conte radiophonique lui permet de toucher au cœur de sa pensée, fragmentaire et subversive, prenant à rebrousse-poil l’humanisme socio-démocrate ambiant de l’époque — qui est toujours la nôtre.

Walter Benjamin, Lumières pour enfants. Paris : Christian Bourgois Editeur, 1988.


1. Le Dialecte berlinois

A l’écoute de la langue qui se parle dans les rues de Berlin, Benjamin entraîne les jeunes auditeurs dans les richesses souvent insoupçonnées de la langue ordinaire. A travers le dialecte de Berlin, Benjamin esquisse un portrait de sa ville, inattendu et plein d’humour, qui prend à rebours les opinions communes de la culture dominante.

Suivi d’un extrait de Cagliostro


2. Théâtre de marionnettes à Berlin

Fasciné par le théâtre, Benjamin prend le parti de nous y faire entrer par la petite porte, en évoquant le genre prétendument mineur du théâtre de marionnettes. Il nous le raconte en voyageant dans l’espace et le temps, accompagné de la figure tutélaire de Guignol. A travers lui, c’est une réflexion politique profonde sur la fonction politique de l’art, que Benjamin fait passer comme en contrebande, jusqu’à nos oreilles d’enfants.

Suivi d’un extrait de La catastrophe ferroviaire du Firth of Tay


3. Promenade des jouets à Berlin

Collectionneur passionné, Benjamin nous fait entrer dans l’univers vertigineux de ceux qui achètent, « sans raison », des objets qu’ils « libèrent de la corvée d’être utiles », en les faisant entrer dans le royaume magique de leurs collections. C’est en collectionneur amoureux que Benjamin nous initie à sa passion des jouets anciens — une manière efficace de nous faire entrer de plain-pied dans le monde de l’enfance, le plus sérieux du monde…

Suivi d’un extrait de La Bastille, vieille prison d’Etat française


4. Les Tziganes

Grand érudit curieux de tout, historien des marges et des sujets dits « mineurs », Walter Benjamin s’est intéressé au monde des tziganes, figure de l’autre inassimilable, qui en dit long sur une société qui ne parvient pas à les accueillir véritablement. C’est que Benjamin s’est toujours senti proche de ceux qui ne sont pas conformes à l’ordre : escrocs, prisonniers, sorcières, prostituées — le monde des bas-fonds, qui n’existeraient pas si le monde bourgeois n’en avait pas besoin.

Suivi d’un extrait de Caspar Hauser

Prise de son et mixage : Michel Mestre
Montage : Alisson Ascrizzi
Assistante : Marie Casanova

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci !