12 septembre 2009

Sarane Alexandrian (1927-2009)



Communiqué de Christophe Dauphin et Marc Kober

Notre ami Sarane Alexandrian est décédé le 11 septembre 2009, à Ivry-sur-Seine, où il était hospitalisé. Le Grand Cri-chant (comme l’avait surnommé Victor Brauner) a rejoint la Fée-précieuse, son épouse, le peintre Madeleine Novarina.
Résolument poète, dans la mesure où la poésie est une manière de vivre et pas seulement d’écrire, Sarane Alexandrian est né en 1927 à Bagdad, où son père était le stomatologiste du roi Fayçal 1er. Durant son adolescence en France, il participe, à seize ans, à la Résistance dans le Limousin. À la même période, il est initié au dadaïsme et au non-conformisme par le dadasophe Raoul Hausmann. À vingt ans, à Paris, il devient « le bras droit d’André Breton », selon l’opinion publique, et « le théoricien n°2 du surréalisme ». Co-fondateur, en 1948, de la revue Néon et porte-parole du « Contre-groupe H » qui se regroupe autour de Victor Brauner, Alexandrian devient le chef de file de la jeune garde surréaliste (Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud, Alain Jouffroy, Jean- Dominique Rey…), des novateurs, qui s’opposent aux orthodoxes du mouvement, en situant le surréalisme « au-delà des idées » et en accordant la priorité au « sensible ». La « rupture » avec André Breton intervient en octobre 1948. Depuis lors, l’importance, comme l’influence, de Sarane Alexandrian, n’ont pas tant reposé sur son activité au sein du groupe surréaliste, que sur sa démarche de continuité et de dépassement de ce mouvement. Romancier, essayiste, historien d’art, journaliste (L’Œil, L’Express) et fondateur, en 1995, de la revue d’avant-garde Supérieur Inconnu (dont le numéro spécial sur « l’Art de vivre » paraitra fin septembre 2009 en même temps que le dernier livre de Sarane Alexandrian : L’Art surréaliste, éditions Filipacchi), Sarane Alexandrian, a publié de nombreux livres, dont certains ont connu un succès international : Le Surréalisme et le rêve (Gallimard, 1974), Histoire de la philosophie occulte (Seghers, 1983), Histoire de la littérature érotique (Seghers, 1989). Ses romans « d’aventures mentales », comme ses nouvelles, imbibées de poésie, sont de véritables mythes modernes écrits en autohypnose. Toutes ses œuvres de fiction, véritables poèmes en prose, sont fondées sur le principe de la métaphore en action. Les Terres fortunées du songe, avec dix-huit dessins de Jacques Hérold, (Galilée, 1980), est indéniablement le chef-d’œuvre de sa création, et l’une des plus hautes cimes de la prose surréaliste. Il s’agit d’un roman mythique absolument inclassable, ni science-fiction, ni allégorie, ni récit fantastique traditionnel, ni satire d’humour noir, mais tenant de tout cela ensemble. Sa dernière publication aura été Les Peintres surréalistes (Anna Graham, New York-Paris, 2009), somme dans laquelle il démontre qu’il est l’un des meilleurs connaisseurs de l’art surréaliste. Un des titres auquel il tenait par-dessus tout aura été d’avoir animé, en vingt-neuf numéros, l’une des meilleures revues littéraires et artistiques de la dernière décennie, et d’avoir réuni autour de lui une « fratrie » ardente, qui aspire à être à la hauteur de son magnifique non-conformisme.

A consulter : Sarane Alexandrian, L’Aventure en soi, autobiographie, Le Mercure de France, 1990. Christophe Dauphin, Sarane Alexandrian ou le grand défi de l’imaginaire, Bibliothèque Mélusine, L’Âge d’Homme, 2006.

Christophe Dauphin et Marc Kober

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