04 août 2011

Quand le peuple islandais vote contre les banquiers | Silla Sigurgeirsdóttir & Robert Wade

Le Monde diplomatique, mai 2011

Aux Etats-Unis, les républicains bataillent pour amputer le budget fédéral ; au Portugal, les autorités négocient souveraineté contre plan de sauvetage ; en Grèce, la perspective d’une restructuration de la dette renforce l’austérité. Sous la pression des spéculateurs, les gouvernements ont fait le choix de l’impuissance. Consultés par référendum, les Islandais suggèrent une autre voie : adresser la facture de la crise à ceux qui l’ont provoquée.


Petite île, grandes questions. Les citoyens doivent-ils payer pour la folie des banquiers ? Existe-t-il encore une institution liée à la souveraineté populaire capable d’opposer sa légitimité à la suprématie de la finance ? Tels étaient les enjeux du référendum organisé le 10 avril 2011 en Islande. Ce jour-là, pour la seconde fois, le gouvernement sondait la population : acceptez-vous de rembourser les dépôts de particuliers britanniques et néerlandais à la banque privée Icesave ? Et, pour la seconde fois, les habitants de l’île ravagée par la crise ouverte en 2008 répondaient « non » — à 60 % des votants, contre 93 % lors de la première consultation, en mars 2010.
L’issue du scrutin prend une coloration particulière au moment où, sous la pression des spéculateurs, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI), les gouvernements du Vieux Continent imposent des politiques d’austérité pour lesquelles ils n’ont pas été élus. La mise en coupe réglée du monde occidental par les institutions financières libérées de toute contrainte inquiète jusqu’aux thuriféraires de la dérégulation. Au lendemain du référendum islandais, l’éditorialiste du très libéral Financial Times s’est félicité de ce qu’il soit « possible de placer les citoyens avant les banques » (13 avril 2011). Une idée qui trouve encore peu d’écho parmi les dirigeants politiques européens.
Si l’Islande fait figure de cas d’école, c’est que ce pays offre un exemple chimiquement pur des dynamiques qui, au cours des années 1990 et 2000, ont permis à des intérêts privés d’édicter des réglementations publiques conduisant au gonflement de la sphère financière, à son désencastrement du reste de l’économie et, finalement, à son implosion.

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