22 septembre 2009

Costa deux fois




La plage serait à peu près la seule activité de Boz s’il n’éprouvait en même temps le désir de commencer quelque chose, on ne sait pas quoi. Entre les deux (son goût pour la plage et ses velléités de commencement) il pense à Commons. Oui. La pensée de Commons accompagne Boz dans les intervalles. Et voilà que Boz, qui au début ne fait pas grand-chose (personne ne peut dire le contraire), voilà qu’entre ses commencements, la plage et Commons — la pensée de Commons — Boz, maintenant, est aussi occupé que n’importe qui. D’autant plus qu’il y a Llac, de-ci de-là, dans l’histoire.

Christian Costa, L’Eté deux fois, éditions de Minuit, 1989.





On a ressuscité Costa

Quand en 1989, Christian Costa publia son premier et unique livre, L’Été deux fois , il fut salué comme le nouveau Jean-Philippe Toussaint ou le nouvel Echenoz. Puis plus rien. Disparition complète. Jusqu’à ce qu’un passionné, Guillaume Daban, retrouve sa trace et remette aujourd’hui à l’honneur son ouvrage, qui dans cette rentrée littéraire vit donc une seconde « rentrée ». Costa deux fois.

Le Point, 22/09/2009

Le Point : Parlez-nous d’abord de cet événement littéraire que vous organisez à Saint-Germain-des-Prés, du 22 au 26 septembre 2009, autour de l’écrivain Christian Costa*...
Guillaume Daban : En cette rentrée littéraire riche de 659 romans, Nicolas Deman et moi-même proposons ce qui ressemble à une gageure : ne présenter qu’un seul livre, vieux de vingt ans, sous toutes ses coutures (manuscrit, tapuscrit, extraits, correspondance, photos, montages) et de surcroît dans une galerie d’art. Il s’agit de L’Été deux fois , unique roman de Christian Costa, paru en toute discrétion aux Éditions de Minuit en 1989 mais qu’une poignée de lecteurs fervents considèrent - à juste titre - comme un chef-d’œuvre. D’où l’hommage germanopratin rendu, fin septembre, à cet ouvrage qui échappe aux modes et continue de nous toucher.

S’il fallait donner envie à un ami de lire son roman, que lui diriez-vous ?
C’est un livre très drôle et très désespéré. L’élégance de l’écriture et le côté pince-sans-rire du texte évoquent les meilleurs pages de Jean-Philippe Toussaint ou les premiers romans d’Echenoz. Mais l’humour de cet Oblomov moderne ne saurait masquer la gravité de cet ouvrage où il ne se passe (apparemment) pas grand-chose et où il est pêle-mêle question d’amitié virile, de tauromachie, de plage, d’oisiveté, de désillusions, de velléités, de volley-ball, de l’impossibilité d’écrire et de la difficulté de vivre. La vie, se dit-il, l’existence. Les moments creux. En refermant ce livre envoûtant, on songe à L’Étranger de Camus ou à Un homme qui dort de Perec. Ceux qui relisent Christian Costa chaque été comparent volontiers son roman à un vieux vêtement de plage, usé jusqu’à la corde, qu’on ne jetterait pour rien au monde, et qu’on abandonne à regret à la fin du mois d’août pour mieux le retrouver l’été suivant.

Comment avez-vous retrouvé la trace de cet auteur-culte qui avait disparu ?
J’ai lu le livre dès sa parution, en 1989. Coup de foudre. En 1992 j’ai constaté avec tristesse sa disparition du catalogue des Éditions de Minuit. Cela ne m’a pas empêché d’en commander chaque année de nombreux exemplaires en librairie pour les offrir à mon entourage. En 1996, Jérôme Lindon, son éditeur, m’a répondu : « Vous nous avez demandé des nouvelles de Christian Costa. Impossible de vous en donner : nous n’en avons pas nous-mêmes depuis plusieurs années. Nous savons seulement qu’il a quitté la Corse où il habitait quand il nous a adressé L’Été deux fois . Depuis, rien, ni lettre ni manuscrit. Je le regrette comme vous. » En 2008, malgré tout, je me suis résolu à écrire à l’auteur, « aux bons soins des éditions de Minuit ». Miracle postal et émouvante réponse de Christian Costa, qui est professeur de philosophie dans le sud de la France. Il y évoque ce livre qu’il croyait « oublié définitivement et depuis longtemps », dont il doutait même parfois « qu’il ait pu appartenir à la catégorie des livres ». L’auteur me remerciait, au passage, pour la « petite circulation fervente » que j’avais entretenue autour de ce livre, et ce « filet d’existence » dont avait bénéficié le roman.

Sait-on pourquoi cet auteur n’a plus jamais écrit de livre depuis 1988 ?
Mystère. Seul Christian Costa le sait. À moins que ce premier roman ne porte en lui sa propre fin. Ne s’achève-t-il pas par la phrase : N’ajouter rien.

Quel est votre objectif en ressuscitant Christian Costa et quels moyens êtes-vous prêts à employer ?
Les admirateurs de L’Été deux fois forment en quelque sorte une société secrète. Mon objectif est d’élargir le cercle des lecteurs de Christian Costa, de donner une seconde vie à ce roman. Seule une parution en poche permettrait d’en assurer une grande diffusion. Je rêve d’une édition avec une préface d’Éric Holder (conquis par Costa) et une postface de Patrick Modiano (qui ne l’a pas encore lu...).

Comment ont réagi les Éditions de Minuit à votre initiative ?
Favorablement, en nous permettant d’acquérir un grand nombre d’exemplaires (par chance, Minuit ne pilonne pas les invendus) et en nous laissant carte blanche pour cette exposition. Mais notre enthousiasme pour ce roman oublié doit les laisser perplexes...

Propos recueillis par François-Guillaume Lorrain

* Exposition Costa. Galerie Nicolas Deman. 12 rue Jacques Callot. Paris 6e. Du 22 au 26 septembre.

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