28 avril 2010

En marchant, en écrivant | France Culture, Surpris par la nuit, 18, 19 et 20 novembre 2008

Par Aurélie Djian. Réalisation Gaël Gillon.

Palier 1 : marche à forme fixe
Avec Jean Rolin, Jacques Roubaud et Philippe Vasset

Trois écrivains choisissent des parcours types (bassins du port de Saint-Nazaire, petite ceinture, rue Georges Perec) pour installer leur parole, trois dispositifs d’écoute qui rendent compte en situation d’un atelier d’écriture en affinité avec la déambulation dans l’espace urbain. Marcher comme on respire, composer en marchant ou encore écrire avec les pieds.

Palier 2 : marche imaginaire
Avec Thomas Clerc, Eric Meunié et Patrick Modiano

La marche à pied fonctionne comme palier d’élan, journal mental, machine à fiction. Motif, méthode ou mode de vie auxquels répondent trois régimes de parole différents : lecture d’un texte inédit (Dromomaniac, Thomas Clerc) ; fragments de pensée enregistrés en marchant (Eric Meunié) ; entretien (Patrick Modiano).

Palier 3 : promenade littéraire
Avec Eugène Savitzkaya

Marcher en ligne droite, le long d’un canal en terre flamande pour mieux déplier le mouvement des pensées, digresser, faire tournoyer les idées. La promenade comme forme littéraire absolument libre, pur moment de lâcher prise, désordre des sensations. Et partant, l’entretien devient promenade.

27 avril 2010

Sotigui Kouyaté (1936-2010)



Little Senegal, Rachid Bouchareb (2001).



Le Mahâbhârata, Peter Brook (1989).



Genesis, Claude Nuridsany & Marie Pérennou (2004).


Epilogue
Spoken by Prospero

Now my charms are all o’erthrown,
And what strength I have’s mine own,
Which is most faint. Now ’tis true,
I must be here confin’d by you,
Or sent to Naples. Let me not,
Since I have my dukedom got,
And pardon’d the deceiver, dwell
In this bare island by your spell;
But release me from my bands
With the help of your good hands.
Gentle breath of yours my sails
Must fill, or else my project fails,
Which was to please. Now I want
Spirits to enforce, art to enchant;
And my ending is despair
Unless I be reliev’d by prayer,
Which pierces so that it assaults
Mercy itself, and frees all faults.
As you from crimes would pardon’d be,
Let your indulgence set me free.

Maintenant tous mes charmes sont détruits ;
Je n’ai plus d’autre force que la mienne.
Elle est bien faible ; et en ce moment, c’est la vérité,
Il dépend de vous de me confiner en ce lieu
Ou de m’envoyer à Naples. Puisque j’ai recouvré mon duché,
Et que j’ai pardonné aux traîtres, que vos enchantements
Ne me fassent pas demeurer dans cette île ;
Affranchissez-moi de mes liens,
Par le secours de vos mains bienfaisantes.
Il faut que votre souffle favorable
Enfle mes voiles, ou mon projet échoue :
Il était de vous plaire. Maintenant je n’ai plus
Ni génies pour me seconder, ni magie pour enchanter,
Et je finirai dans le désespoir,
Si je ne suis pas secouru par la prière
Qui pénètre si loin qu’elle va assiéger
La miséricorde elle-même,
et délie toutes les fautes.
Si vous voulez que vos offenses vous soient pardonnées,
Que votre indulgence me renvoie absous.


William Shakespeare, The Tempest, 1612.

24 avril 2010

Naissance d'une idée | France Culture, Surpris par la nuit, 2 et 3 juillet 2009

Par Tanguy Viel et Stéphane Bouquet. Réalisation Gaël Gillon.

En s'attachant à l'idée, on chercherait à s'approcher des abords de la production philosophique, non pas circonscrire un champ théorique mais peut-être saisir ce qui est d'habitude hors champ, une sorte d'artisanat de la philosophie et constituer ainsi comme une grammaire des pratiques.

Avec Bruno Pinchard, Barbara Cassin, Avital Ronnell, Pierre Pachet, Jean-Christophe Bailly, Jean-Claude Pinson, Catherine Perret et Peter Szendy.

> Première partie
> Seconde partie

12 avril 2010

Bouvard et Pécuchet veulent écrire un livre | France Culture, Surpris par la nuit, 4, 5 et 6 avril 2006

par Stéphane Bouquet et Tanguy Viel. Réalisation Gaël Gillon.

Série consacrée à la littérature, l’ensemble des émissions est conçu comme une enquête mi-sérieuse mi-ludique sur la fabrique du texte littéraire. Calquant leur méthode sur celle de Flaubert, Bouvard (Stéphane Bouquet) et Pécuchet (Tanguy Viel) vont consulter ouvrages et spécialistes pour savoir comment s’y prendre pour écrire un livre.

Avec : Jean-Christophe Bailly, Pierre Bergounioux, Johan Faerber, Dominique Fourcade, Eric Laurrent, Christine Montalbetti, Dominique Meens, Pierre Michon, Yael Pachet, Jean Rolin, Tiphaine Samoyault, Sébastien Smirou, François Vergne.

1. Comment commencer

Quand est-ce que ça commence ? De quoi a-t-on besoin ? Faut-il s’asseoir à sa table ? Faut-il une table ? Un crayon ? Un ordinateur ? Ou bien commence-t-on en marchant, en pensant ? Et qu’est-ce qu’on pense ? Faut-il donc être inspiré ? Avoir des choses à dire ? Faut-il se souvenir ou collecter les choses vues ? Une dernière chose avant de commencer :est-ce qu’on fait un plan ?

2. Comment faire une phrase

Et maintenant qu’on commence vraiment, quelle première phrase ? Et d’ailleurs quel temps fait-il ? Est-ce la nuit ? Est-ce le jour ? Aujourd’hui, hier ou demain ? Et à quel temps ? Y a-t-il un personnage ? Faut-il lui donner un nom ? Et faut-il des chapitres inutiles ? Des mots inutiles ? Et l’adjectif ? Il en faut un peu, beaucoup, pas du tout ? Le mot juste existe-t-il ?

3. Comment finir

La rhétorique est-elle utile pour peaufiner un texte ? A quoi sert la métaphore ? Et faut-il connaître catachrèse, hypotypose, épanorthose et compagnie ? Comment sait-on qu’une phrase est finie ? Et le livre en entier ? Combien de corrections ? Aucune ou beaucoup ? Et même à l’infini ? Et une fois que le livre est fini, on fait quoi ?

10 avril 2010

L’ombre, le vampire et autres formes dans la nuit | France Culture, Surpris par la nuit, 20 octobre 2005



Par Christian Rosset. Réalisation: Ghislaine David.

Cette émission se propose d’interroger la permanence du thème du vampire, ses retours surprenants empreints à la fois de nostalgie (l’ancien) et de quête de sang frais (le nouveau). On peut considérer l’auteur, l’artiste, le créateur de fiction, comme un prédateur aspirant à réaliser une œuvre qui soit en état de lui survivre, donc défiant la mort et tendant à devenir « maître en contamination » (gagner son lecteur, c’est le contaminer, lui transmettre la maladie de la lecture, associée au plaisir…)

Invités : Jean Frémon, écrivain, directeur associé de la galerie Lelong à Paris. Serge Margel, philosophe. Max Milner, écrivain. Benoît Peeters, écrivain.

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05 avril 2010

Claude Tchou (1923-2010)

France Culture, A voix nue, 8-12 avril 2007

Par Philippe Garbit. Réalisation Mydia Portis Guérin.

Sa mère était belge, son père chinois et fils d’ambassadeur de Chine en Europe. Claude Tchou est né à Bruxelles, a passé une partie de son enfance à Pékin puis à Shanghai. Il prétend avoir toujours détesté la Belgique et la Chine, s’être toujours senti avant tout français-mieux : parisien, et éditeur.
Éditeur, en fait, Claude Tchou l’est devenu très jeune. Au lycée, pratiquement, en faisant imprimer les poèmes de ses camarades de classe, puis en les leur vendant ; en découvrant l’odeur du plomb, celle de l’encre d’imprimerie ; en devenant représentant d’un éditeur-libraire.
Claude Tchou sait depuis longtemps qu’il est capable de tout vendre – en tout cas de vendre des livres ! Les lecteurs français ont manqué de littérature anglo-saxonne durant les années de guerre ? De « nouvelles » traductions leur seront proposées. Ils ont soif d’informations ? Il créera une agence de presse ! « Il y a une fortune à faire… ! »
La vraie aventure commence à Paris, bien sûr, et par la reprise du Club du Livre du Mois. Claude Tchou sait convaincre que ses livres sont beaux, essentiels. Chaque lettre adressée aux membres du Club semble être une lettre personnelle, bienveillante… Alors, dans les années 50 et 60, vient en effet la fortune… puis des faillites, puis la fortune, etc. Vient aussi l’heure de l’érotisme, suivie d’un procès, qui verra Claude Tchou condamné à six mois de prison ferme… du jamais vu en France depuis des décennies… Mais un deuxième jugement mettra fin à ce retour d’un ordre moral.

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03 avril 2010

La Vie d'ici-bas (Indifférence) | André Minvielle & Bernard Lubat (& Tony Murena)



Musique : Indifférence, Tony Murena et Joseph Colombo, paroles : André Minvielle.
Accordéon : Bernard Lubat, chant : André Minvielle.
La Sept-Arte, 1995.

02 avril 2010

L’Histoire de Gunnlaug Langue-de-serpent (Gunnlaugs saga Ormstungu)


Halfdan Egedius



Anonyme, XIIIe siècle. Traduit du vieil islandais par Félix Wagner, Gand (Belgique), éditions A. Siffer & Paris, éditions Ernest Leroux, 1899, rééd. Gand : éditions du Lynx, 1925.

Chapitre 1

Il y avait un homme qui s’appelait Thorstein ; il était fils d’Egil Skallagrimsson et d’Asgard, fille de Bjorn. Thorstein demeurait à Borg, dans le Borgarfjord ; c’était un homme riche en biens et un grand seigneur ; il était intelligent, d’un abord facile et raisonnable en toutes choses. Sans exceller ni par la taille ni par la force corporelle comme son père Egil, c’était néanmoins un personnage des plus distingués, et il inspirait de la sympathie à tout le monde. Thorstein était un homme de belle apparence, avec des cheveux blonds et des yeux d’une beauté remarquable. Il avait pour femme Jofrid, fille de Gunnar, fils de Hlif. Jofrid avait épousé d’abord un fils de Tungu-Odd, du nom de Thorodd ; celui-ci eut d’elle une fille, Hungerd, qui grandissait à Borg dans la maison de Thorstein. Jofrid était une femme de grande énergie. Thorstein en eut de nombreux enfants ; mais peu d’entre eux jouent un rôle dans cette saga. Skuli était l’aîné de leurs fils ; le second s’appelait Kollsvein, le troisième Egil.

On raconte qu’un jour d’été un bateau venant de la mer entra dans l’embouchure de la Gufa. Bard était le nom du pilote ; il était d’origine norvégienne, riche, assez âgé et sage. Thorstein poussa son cheval jusqu’au bateau et, comme il réglait d’habitude les conditions du marché, il le fit encore cette fois-ci. Les Norvégiens furent hébergés de côté et d’autre ; le pilote, lui, reçut l’hospitalité chez Thorstein, car il avait manifesté le désir de se rendre dans cette région. Bien qu’il fût ordinairement d’humeur morne durant l’hiver, Bard reçut bon accueil chez Thorstein. Le Norvégien aimait beaucoup à s’occuper de rêves.

Au printemps Thorstein lui demanda s’il voulait l’accompagner à Valfel. C’était l’endroit où les habitants du Borgarfjord tenaient leur assemblée (thing), et Thorstein avait appris qu’une paroi de sa tente s’était écroulée. Le Norvégien y consentit. Ils se mirent donc en route à trois et arrivèrent à Valfel dans un domaine appelé Caverne des renards. Là vivait un homme pauvre, du nom d’Atli ; il était fermier de Thorstein. Thorstein lui enjoignit de venir avec lui pour l’aider au travail et d’emporter une hache et une bêche. Ainsi fut fait. Arrivés auprès des murs dépouillés de leur toit, ils se mirent tous à l’ouvrage et déblayèrent la place. Ensuite Thorstein et Bard s’assirent à l’entrée de la cabane. Thorstein s’endormit et eut un sommeil agité. Bard, assis à ses côtés, le laissa jouir de son rêve. Quand il s’éveilla, il se sentit mal à l’aise. Le Norvégien lui demanda ce qu’il avait rêvé pour avoir été si agité pendant le sommeil. Thorstein répondit : « Les rêves ne signifient rien. »

Mais le soir, en retournant, le Norvégien lui demanda de nouveau ce qu’il avait rêvé. « Si je te communique mon rêve », dit Thorstein, « tu me l’interpréteras. » Bard promit de l’essayer, et Thorstein dit : « Voici ce que j’ai rêvé : Je me figurais être à Borg, devant l’entrée principale de ma maison ; en levant les yeux vers le ciel, j’aperçus sur le faîte du toit un bel et superbe cygne et je croyais qu’il m’appartenait. Ensuite je vis descendre des montagnes un grand aigle qui s’approcha, vint se poser auprès du cygne et se mit à causer amicalement avec lui ; et celui-ci me paraissait s’en réjouir. Alors je remarquai que l’aigle avait les yeux noirs et des serres de fer, et il m’avait l’air bien hardi. Bientôt je vis venir du sud un autre oiseau qui se dirigea également vers Borg et alla se percher sur le toit à côté du cygne dont il essaya de gagner la faveur. C’était aussi un grand aigle. Je croyais ensuite observer que l’aigle qui était arrive le premier entrait dans une violente colère contre le nouveau venu ; ils se querellèrent longtemps et avec beaucoup d’acharnement et je constatai qu’ils saignaient tous les deux. Ils se battirent tant et si bien qu’ils tombèrent de part et d’autre du mur de la maison : tous deux étaient morts. Le cygne resta sur le toit ; il était bien triste. En ce moment je vis arriver un oiseau du côté de l’ouest ; c’était un faucon. Il se posa à côté du cygne et se comporta tendrement envers lui. Ensuite ils s’envolèrent tous les deux ensemble dans la même direction ; et là-dessus je m’éveillai. » « Ce rêve », ajouta-t-il, « n’a guère de signification ; il annonce probablement des orages qui s’amassent dans les airs et qui arrivent du côté d’où les aigles m’ont semblé venir. » — « Tel n’est pas mon avis », répondit Bard. « Prends dans ce rêve », reprit Thorstein, « les faits qui te paraissent les plus significatifs, et explique-les moi. » Barth dit : « Les deux oiseaux désignent sans doute les esprits tuté-laires de grands hommes. Ta femme est enceinte et mettra au monde une jolie et superbe fille que tu aimeras beaucoup. Des hommes distingués arriveront des contrées d’où sont venus les aigles et demanderont ta fille en mariage ; ils concevront pour elle le plus vif amour ; ils se la disputeront et périront tous les deux à cause d’elle. Il arrivera ensuite un troisième des pays d’où est venu le faucon ; il demandera à son tour la main de ta fille et c’est à lui qu’elle sera donnée. » « Voilà l’interprétation de ton rêve », ajouta-t-il, « tel que je pense qu’il va se réaliser. » Thorstein répondit : « Ce rêve est interprété bien mal et d’une façon désobligeante », dit-il, « j’aime à croire que tu n’es guère habile à expliquer les rêves. » Bard reprit : « Tu expérimenteras toi-même comment les choses se passeront. » Dès ce moment Thorstein se montra peu aimable envers le Norvégien ; celui-ci quitta le pays à l’époque où les Islandais changent d’habitation, et on n’en parlera plus dans cette histoire.

> La suite (nombreuses coquilles).
> Le texte islandais (orthographe modernisée).