France Culture et la Comédie Française présentent Le Banquet de Platon. Adaptation : Frédéric Vossier. Traduction : Luc Brisson. Réalisation : Etienne Vallès. Un enregistrement réalisé en studio sous la direction de Jacques Vincey et d'Etienne Vallès, d'après la mise en scène de Jacques Vincey au Studio Théâtre de la Comédie Française.
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Lauréat d’un concours de tragédie, Agathon rassemble en sa demeure quelques amis pour célébrer sa victoire. Fatigués de boire, les convives décident de se livrer à une joute philosophique dont l’objet sera l’éloge de l’amour. Aux discours des sophistes succède celui d’Aristophane, poète comique, puis c’est au tour du poète tragique Agathon, avant que l’on ne sollicite l’avis tant attendu de Socrate. Il rapporte la conversation qu’il a eue avec la prêtresse Diotime et définit l’amour comme désir insatiable de possession du Beau et du Bien. Survient alors le bel Alcibiade, déjà bien éméché, qui relève à son tour le défi, mais au lieu d’un éloge de l’amour, il célèbre Socrate lui-même, objet de son amour et étrange substitut d’Éros. En se faisant l’écho de cette soirée mythique et par le procédé narratif de l’imbrication des discours, Platon met en scène Socrate en personnage central du Banquet qui seul reste éveillé quand les autres sont vaincus par l’ivresse.
Comédien, Jacques Vincey a joué sous la direction de Patrice Chéreau, Bernard Sobel, Luc Bondy, Robert Cantarella, André Engel, Gabriel Garran, Laurent Pelly... Scénographe et metteur en scène, il a monté récemment Madame de Sade de Mishima, Mademoiselle Julie de Strindberg, Le Belvédère d’Ödön von Horváth. Après Madame de Sade en 2008, pièce de femmes taraudées par leur désir-dégoût pour un homme absent, le « divin marquis », il s’intéresse ici à un texte d’hommes s’interrogeant sur l’amour et son objet, Socrate, qui, à la fois présent et absent, incarne le mouvement du désir en se dérobant sans cesse. Jacques Vincey a collaboré avec Muriel Mayette au Théâtre du Vieux-Colombier à deux reprises, pour Chat en poche de Feydeau (1998), puis pour la mise en scène de la pièce de Karin Mainwaring, Les Danseurs de la pluie (2001).
« On raconte que Platon, jeune poète tragique, brûla ses œuvres lorsqu’il rencontra Socrate sur le chemin du concours où il allait les présenter. Avec Socrate, c’est la philosophie en acte qu’il découvre, c’est-à-dire un mode de vie consacré à la recherche de la vérité. De ce jour, il devint un farouche adversaire du théâtre de son temps. Cet art, fondé sur les apparences de la réalité et la mimésis, lui semblait un danger pour l’âme, vouée à se dissoudre dans l’imitation d’une action représentée. Platon développa contre l’élément mimétique, le discours rationnel de la philosophie, attitude s’efforçant de rendre possible et légitime, contre le règne des opinions et des apparences, l’accès à la connaissance de ce que sont réellement les choses, jusqu’à la contemplation du Bien. Or, ce Banquet, monument philosophique et littéraire élevé à la mémoire de Socrate, son maître, se révèle d’une incroyable théâtralité. Non seulement parce que ce sont des dialogues, conformément à une pratique philosophique courante à l’époque, mais surtout parce que Platon « met en scène » ce Banquet avec les outils du théâtre. Il construit autour de Socrate un monde dramatique d’événements et de péripéties à la fois risible, grotesque, touchant, pitoyable, et médiocre – en contraste avec la figure intouchable de « l’homme comme il faut ». Les convives de ce banquet doivent, tour à tour, dans un esprit civique et sérieux de compétition, faire un éloge de l’amour. Platon alimente le suspense, raille la vacuité de certains éloges et la fatuité de leurs locuteurs, fait d’Aristophane, avec son hoquet, une sorte de clown, et provoque un véritable « coup de théâtre » en faisant entrer Alcibiade totalement ivre, bousculant le rituel avec ses pleurs et ses supplications obscènes. Enfin, la nuit se termine par une discussion entre Socrate, Agathon et Aristophane sur le théâtre… L’enjeu de ce spectacle est de nous engouffrer dans ce paradoxe, de questionner cette articulation entre philosophie et théâtre en explorant les liens secrets qui unissent la visibilité physique du monde sensible et l’invisibilité de la pensée. Le but ultime du théâtre n’est il pas, depuis que cet art existe, de tenter de saisir ce qui nous échappe et de « rendre visible le monde invisible » ? » — Jacques Vincey et Frédérique Vossier
Avec : Thierry Hancise : Appolodore, Aristodème, Socrate, Phèdre, Diotime ; Pierre Louis-Calixte : Eryximaque, Alcibiade ; Serge Bagdassarian : Agathon , Aristophane.
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