Photo : Richard Avedon
Le centenaire de la naissance de Samuel Beckett est l’occasion pour nous de revenir sur une œuvre majeure, qui par ailleurs n’a nul besoin de commémorations pour exister, être jouée ou lue. Samuel Beckett a écrit du théâtre, des romans, de la poésie, des films et… des pièces radiophoniques. Il a découvert la radio grâce à la BBC, qui très tôt, dés les années cinquante lui propose d’écrire. Ce sera Tous ceux qui tombent d’abord, puis Cendres et Cascando. Samuel Beckett a écrit pour la radio, pour le monde sonore, les voix, le silence. Il a aussi exploré l’objet radiophonique et écrit des pièces de théâtre qui convoquent parfois essentiellement la voix et le texte sur le plateau. C’est ce monde sonore de Beckett que nous avons voulu explorer dans ce cycle du mois de novembre, en proposant avec la collaboration de l’Atelier de création radiophonique et les nuits de France Culture, la quasi intégralité de l’œuvre radiophonique, mais aussi des fragments de pièces enregistrées à leur création et l’enregistrement en public de deux « pièces limites » dans lesquelles Beckett utilise la bande magnétique et l’écoute d’une manière tout à fait fascinante pour nous, gens de radio. A travers ce cycle, nous rendrons hommage également à deux artistes qui ont accompagné Samuel Beckett tout au long de sa vie théâtrale et radiophonique en France : Roger Blin et Alain Trutat.
Blandine Masson
1. Beckett en ondes [télécharger]
Emission proposée et présentée par Juliette Heymann.
« Beckett en ondes » est une émission consacrée aux rapports de Samuel Beckett et de l’outil radiophonique. Vous y entendrez deux pièces très différentes, écrites par Beckett pour la radio : Tous ceux qui tombent, sa première pièce, réalisée en français par Alain Trutat et Cascando, une « invention radiophonique pour musique et voix », écrite en collaboration avec le compositeur Mihalovici. L’écrivain Roger Grenier sera avec nous pour évoquer la mémoire de S. Beckett, et aussi celle de l’homme de radio Alain Trutat (qui nous a quittés en août dernier et qui réalisa pour la radio Tous ceux qui tombent).
• Tous ceux qui tombent (première diffusion 1959)
Traduit de l’anglais par Robert Pinget. Avec : Marise Paillet, Roger Blin, Pierre Latour, Georges Adet, Jean Martin, Léonce Corne, Albert Rémy, Raymone, Jacqueline Harpet, Arielle Semenoff et Patrick Maurin. Réalisation Alain Trutat.
Au cours de l'été 1956, Beckett écrit sa première pièce pour la radio, Tous ceux qui tombent, à l'invitation de la BBC. Les mises en scène françaises et en anglais d'En attendant Godot ont déjà solidement établi sa réputation auprès des responsables de la programmation théâtrale, car plusieurs d'entre eux (notamment Barbara Bray, Donald McWhinnie et Martin Esslin) suivent alors de très près ce qui se passe sur les scènes d'Europe.
Dès 1953, l'éventuelle diffusion d'En attendant Godot sur les ondes de la BBC a suscité des débats animés au sein de l'équipe. Si elle a pour finir été écartée, le contrôleur financier du Programme III, John Morris, est suffisamment acquis à l'idée de diffuser une œuvre de Beckett pour suivre personnellement les démarches entreprises dans ce sens par la représentante de la BBC à Paris, Cecilia Reeves, et se rendre à la mi-juillet dans la capitale française afin d'en parler de vive voix avec Beckett au cours d'un déjeuner. « J’ai l’impression », déclare Morris après cette entrevue, « qu’il voit parfaitement les problèmes que pose l’écriture pour la radio et que nous pouvons nous attendre à quelque chose de vraiment bon. »
La proposition de la BBC engage pour la première fois Beckett à réfléchir à la technique qu’impose ce média qui ne retransmet que les sons et les silences. Et c’est sans doute cette réflexion sur le son en général, et non sur la seule voix, qui l’amène à imaginer une pièce où les effets sonores vont jouer un rôle capital. “Jamais pensé à la technique du théâtre pour la radio, écrit-il à Nancy Cunard, mais au plus profond de la nuit m’est venue une belle idée horrible pleine de roues qui grincent et de pieds qui traînent, d’essoufflements et de halètements, qui pourrait — ou pas — aboutir.” La lettre qu’il envoie à Aidan Higgins dans les jours qui suivent montre qu’il a déjà l’intention de donner pour cadre à sa pièce le coin d’Irlande qu’il connaît le mieux : « Invité à écrire une pièce radiophonique pour le III (le Programme III de la BBC). Tentant: pieds qui traînent, souffle court, bruits de roues, échange d’imprécations de Brighton Road à la gare de Foxrock, vieilles juments apathiques et prêtes à mettre bas rossées par les villageois, et le Diable qui titube dans le fossé – souvenirs d’enfance ». (Extraits de Beckett de James Knowlson, éditions Actes Sud.)
• Cascando (rediffusion de 1963)
Invention radiophonique pour musique et voix. Musique de Mihalovici. Texte de Samuel Beckett. Mise en onde musicale Jean Etienne Marie. Avec les voix de Roger Blin et Jean Martin. Réalisation Paul Ventre
2. Beckett et l’objet radiophonique [télécharger]
• Cendres
Avec Roger Blin, Delphine Seyrig et Jean Martin. Réalisation : Jean-Jacques Vierne (première diffusion mai 1966)
Avant La dernière bande, Beckett s’est lancé dans l’écriture d’une pièce radiophonique en anglais qu’il destine à Donald Mc Whinnie, metteur en scène mais qu’il a laissée de côté : Cendres, qu’il retravaille par la suite, sera adressée en 1959 à la BBC. Cette pièce sera sélectionnée par le jury de la RAI pour le prix Italia. Le succès de Cendres conduira la BBC et la radio française à lui passer deux nouvelles commandes radiophoniques : ce sera Paroles et musique (musique de John Beckett) et Cascando, sur une musique de Mihalovici (diffusé en France en 1963).
• La dernière bande
Diffusion de l’enregistrement public du 5 novembre. Lecture dirigée par André Wilms.
En décembre 1957, Beckett a entendu Patrick Magee lire des extraits de Molloy et d'un ouvrage abandonné à la BBC. Malgré les parasites qui l'ont obligé à tendre l'oreille pour écouter l'émission, à Paris d'abord, puis à Ussy, lors d'une rediffusion programmée quelques jours plus tard, il a été aussi impressionné qu'ému par le timbre typiquement irlandais de la voix de Magee, voix cassée qui porte en elle toute la lassitude, la tristesse, la destruction et les regrets du monde. Il n'a encore jamais rencontré ce comédien qui a déjà joué dans Tous ceux qui tombent, mais ce qu'il a perçu de la retransmission pourtant médiocre l'incite à « remercier [sa] bonne étoile pour Magee ». Le monologue pour la scène qu'il se met à rédiger à quelques semaines de là s'est un temps appelé Magee Monologue ; il est prévu pour un personnage décrit dans le premier brouillon manuscrit comme un « vieux au bout du roulea », qui parle d'une « voix poussive et cassée avec un accent caractéristique».
Il a beaucoup été dit (par Beckett, entre autres) qu'il ignorait tout des magnétophones au moment où il imagine de mettre ainsi au centre d'une de ses pièces cet appareil d'une technologie très sophistiquée pour l'époque. Bien que cela ne soit sans doute pas très contestable sur les détails, on sait d'après sa correspondance qu'il a eu l'occasion de voir fonctionner un magnétophone en janvier 1958, dans les studios parisiens de la BBC, avenue Hoche, le jour où Cecilia Reeves lui a fait écouter les enregistrements des lectures de Magee reçus de Londres. Contempler les bobines qui en se dévidant libéraient les mots écrits par lui, découvrir, fût-ce sommairement, comment marchait l'appareil, aura sûrement compté dans la conception d'une œuvre où différents moments du temps sont capturés pour être ensuite juxtaposés et restitués.
Beckett se met à La Dernière Bande le 20 février et, en mars, alors que son travail touche à sa fin, il demande à Donald McWhinnie de lui envoyer la notice d'un magnétophone pour qu'il puisse se familiariser avec son fonctionnement. (Extraits de Beckett de James Knowlson, éditions Actes Sud.)
3. Beckett en acte [télécharger]
Montage d’archives proposé et présenté par Juliette Heymann. Réalisation Jean Couturier.
« Beckett en acte » est une émission consacrée à Samuel Beckett et plus particulièrement à l’auteur dramatique et à ses trois pièces les plus connues : En attendant Godot, Fin de Partie et Oh les beaux jours ; elle est composée à partir d’archives de l’INA (interviews, témoignages, extraits de pièces joués ou lus, bribes d’ACR et autres fragments) et organisée autour de la figure centrale de Roger Blin, qui créa et fit connaître en France toutes les pièces de S. Beckett (à l’exception de Comédie). Vous y entendrez les voix de Roger Blin, Hermine Karagheuz, Jean Martin, Lucien Raimbourg, Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, Etienne Bierry, Jean-Marie Serreau, Bernadette le Saché, François Chaumette, Jean-Paul Roussillon, Michel Aumont...
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