31 octobre 2014

Musæum clausum ou Bibliotheca abscondita | Thomas Browne

Traduit de l’anglais par Bernard Hœpffner.


Monsieur, — C’est avec de grands remerciements que je vous renvoie ce noble catalogue de livres, curiosités et bizarreries de l’art et de la nature que vous avez eu la bonté de me communiquer. Il existe de nombreuses collections de ce type en Europe. Outre le catalogue imprimé des Musées Aldrovandi, Calceolarium, Moscardi, Wormianum, la Casa Abbellita de Lorette et le Trésor de saint Denis, le Repositoire du duc de Toscane, celui du duc de Saxe et celui, fort noble, de l’empereur de Vienne, et beaucoup d’autres encore, sont particulièrement remarquables. Quant à ce que j’ai en ma possession dans ce genre, je ne vais pas en faire mention et, comme vous en avez déjà eu un aperçu, je prends la liberté de vous présenter le catalogue d’une collection comme, je peux le dire en toute certitude, vous n’en avez encore jamais vue.
Le titre est comme ci-dessus :

Musæum Clausum, ou Bibliotheca Abscondita : l’on y trouvera quelques livres, antiquités, images et curiosités remarquables de diverses sortes, rarement voire jamais vus par tout homme vivant à notre époque.

1. Livres rares et en général inconnus


1. Un poème écrit dans la langue des Gètes par Ovidius Naso * pendant son séjour à Tomes ; trouvé, enveloppé de cire, à la frontière de la Hongrie, à Sabaria ; une tradition y existe toujours, selon laquelle il serait mort entre Tomes et Rome, pendant son voyage de retour, soit après avoir obtenu son pardon, soit à la mort d’Auguste.


2. La lettre que Quintus Cicéron écrivit en réponse à celle de son frère Marcus Tullius, qui désirait être renseigné sur la Grande-Bretagne, et où l’on trouve une description du pays, du gouvernement et des mœurs des Britanniques à cette époque.

3. Un ancien herbier britannique, ou description des diverses plantes de cette île, observées par le célèbre médecin Scribonius Largus alors qu’il accompagnait l’empereur Claude lors de son expédition en Grande-Bretagne.

4. La relation exacte de la vie et de la mort d’Avicenne, confirmation du récit selon lequel il serait mort après s’être fait administrer neuf clystères au cours d’une crise de colique et non, comme nous l’a rapporté le poète italien Marius, brisé sur la roue : confiée à Abraham Jarchi, célèbre rabbin de Lunet, près de Montpellier, en même temps que d’autres pièces, par Benjamin de Tudèle, alors qu’il voyageait de Saragosse à Jérusalem, et trouvée dans une cave lorsque les murs de cette cité furent démolis par Louis XIII.

5. Le récit détaillé de la marche d’Hannibal d’Espagne en Italie, bien plus précis que celui qu’en donne Tite-Live : à quel endroit il traversa le fleuve Rhodanus, ou Rhône ; à quel endroit il franchit l’Isara, ou Isère ; à quel moment il se dirigea vers le confluent de la Saône et du Rhône, qui est l’endroit où la cité de Lyon fut plus tard construite ; avec quelle sagacité il décida de la querelle entre Brancus et son frère ; à quel endroit il franchit les Alpes ; quel vinaigre il utilisa ; et où il parvint à en obtenir une quantité suffisante pour briser et calciner les roches qu’il avait fait chauffer avec des feux.

6. Un commentaire érudit sur le périple d’Hannon le Carthaginois ; c’est-à-dire comment il navigua le long de la côte occidentale de l’Afrique, ainsi que les divers endroits où il débarqua ; quelles colonies il fonda ; quels navires furent contraints de quitter sa flotte près de la ligne équinoxiale, dont personne n’eut ensuite de nouvelles et qui furent sans doute pris dans les vents alizés et emportés jusqu’à la côte d’Amérique.


7. Une relation partielle de la célèbre expédition des Anglais en Barbarie à la quatre-vingt-quatorzième année de l’Hégire, trop brièvement mentionnée par Léon l’Africain, durant laquelle, appelés par les Goths, ils assiégèrent, prirent et brûlèrent la cité d’Asilah, possession des Mahométans récemment devenue le siège de Gayland ; comprenant nombre d’autres exploits, décrits en grande partie en langue arabe ; relation ayant disparu avec le navire de livres et de curiosités que le roi d’Espagne avait pris au roi de Fez, Siddy Hamet, et dont une grande partie fut transportée à l’Escorial ; on pense que cette relation se base sur les récits de Hibnu Nachu, le meilleur historien des affaires africaines.

8. Un fragment de Pythéas, voyageur marseillais de l’Antiquité ; nous ne pensons pas que ce soit une contrefaçon parce que l’on trouve, dans la description des contrées nordiques, ce passage de Pythéas que mentionne Strabon, où il dit que l’air au-delà de Thulé est épais, condensé et gélatineux, et ressemble à un cténophore.

9. Un herbier sous-marin décrivant les divers végétaux que l’on trouve sur les rochers, collines, vallées et pâturages du fond de la mer, avec de nombreuses espèces d’algues, de fucus, de chênes, de renouées, de graminées et d’autres plantes qui n’ont encore jamais été décrites.

10. Quelques manuscrits et curiosités pris dans les bibliothèques d’Éthiopie par Zaga Zaba et plus tard transportés à Rome, où ils furent dispersés par les soldat du duc de Bourbon lorsqu’ils pillèrent cette ville avec barbarie.

11. Quelques textes de Julius Scaliger ; il se plaint qu’on les lui ait volés, vendus à l’évêque de Mende, dans le Languedoc ; plus tard dérobés et vendus pendant les guerres civiles du duc de Rohan.

12. Un commentaire de Dioscoride sur Hippocrate, découvert par Amatus Lusitanus qui l’avait laissé entre les mains d’un juif de Raguse.

13. La Géographie de Marcus Tullius Cicéron ; ainsi qu’une partie de son célèbre De Republica, lequel ne répond que peu aux espérances qu’on pouvait en avoir, de même que quelques textes courts portant le même titre par Bodin et Grégoire de Toulouse.

14. L’Oneirocritica du roi Mithridate.
De Precationibus d’Aristote.
De his quæ fiunt apud Orcum, & Oceani circumnavigatio de Démocrite.
Une défense d’Arnaud de Villeneuve, lequel, selon le grand érudit Postel, serait l’auteur du De tribus imposturibus.
Une savante explication de la recette permettant de créer un démon :
Rx Judaei bis furti.
Itali cornuti
Angli Italionati
misce fiat diabolus.
De pietate d’Épicure.
Une tragédie sur Thyeste et une autre sur Médée, écrites par Diogène le Cynique.
Les commentaires du roi Alfred sur le De Plantis d’Aristote.
Les épîtres de Sénèque à saint Paul.
De Umbris Idæarum, du roi Salomon, que Chicus Asculanus, dans ses commentaires sur Joannis de Sacro Busto, prétend avoir vu dans la bibliothèque du duc de Bavière.

15. Artemidori Oneirocritici Geographia.
De Mari Rubro, de Pythagore.
Les œuvres de Confucius, le célèbre philosophe chinois, traduites en espagnol.

16. Josèphe, en hébreu, écrit par lui-même.


17. Les commentaires du dictateur Sylla.

18. Un commentaire de Galien sur le récit que fit Thucydide de la peste à Athènes.

19. Duo Cæsaris Anti-Catones, c’est-à-dire les deux célèbre livres écrits par Jules César contre Caton ; mentionnés par Tite-Live, Salluste et Juvénal ; le cardinal de Liège avait révélé à Juan Luis Vivès qu’ils se trouvaient dans une ancienne bibliothèque de cette cité.
Mazhapha Einok, ou la prophétie d’Enoch, qu’Ægidius Lochiensis, voyageur oriental érudit, selon l’explication qu’il a donnée à Peiresc, prétend avoir trouvée dans une ancienne bibliothèque d’Alexandrie qui contenait huit mille volumes.

20. Une collection d’épîtres en hébreu entre deux femmes érudites de notre époque, Maria Molinea de Sedan et Maria Schurman d’Utrecht.
Une merveilleuse collection de quelques textes de Ludovica Saracenica, fille de Philibert Saracenicus, médecin à Lyon, laquelle, à l’âge de huit ans, connaissait déjà très bien l’hébreu, le grec et le latin.

2. Curiosités en images

1. Une représentation des trois remarquables flèches ou tours européennes qui ont été volontairement construites de biais afin d’avoir l’air de tomber : la Torre Pisana à Pise, la Torre Garisenda à Bologne et une troisième dans la cité de Cologne.

2. Un dessin de toutes sortes de sistres, de crotales, de cymbales, de tambourins, &c., tels que les utilisaient les Anciens.

3. De grands dessins sous-marins, décrivant avec précision le fond de la Mer Méditerranée ; les prairies ou vastes pâturages sous-marins le long de la côte provençale ; la pêche du corail ; la récolte des éponges ; les montagnes, vallées et déserts ; les ouvertures et passages au fond de cette mer. Dont un dessin d’une grande vivacité où l’on voit Cola Pesce, le célèbre plongeur sicilien, s’enfoncer dans les tourbillons et les rochers acérés qui entourent Charybde afin de repêcher la coupe en or que Frédéric, roi de Sicile, avait volontairement jetée dans cette mer.

4. Une scène nocturne décrivant la célèbre bataille, qui s’est déroulée au clair de lune, entre Axalla, général de Tamerlan, et le Persan Camarès.

5. Une autre bataille remarquable, entre le Florentin Inghirami et les galères turques, au clair de lune ; son navire ayant été grappiné trois heures durant à la galère du Pacha, il parvint à remporter une victoire décisive.

6. Le plan de la grande foire d’Alma-Karana, en Arabie, laquelle, afin d’éviter la grande chaleur du soleil, se déroule de nuit, au clair de lune.

7. Une scène de neige, où l’on voit la terre et les arbres recouverts de neige et de glace, et des montagnes de glace flottant sur la mer ; s’y trouvent des ours, des phoques, des renards et une grande variété d’oiseaux peu connus.

8. Une scène de glace, représentant la célèbre bataille entre les Iazyges et les Romains sur le Danube gelé ; les Romains posant un pied sur leur bouclier pour ne pas glisser ; leur combat avec les Iazyges quand ils tombaient ; et leur supériorité alors, grâce à leur art de la dérobade et de la roulade, c’est-à-dire de la lutte, selon la description qu’en donne Dion Cassius.

9. Sosia, ou dessin de trois personnes ayant une grande ressemblance avec une autre : le roi Henri IV de France et un meunier du Languedoc ; Sforza, duc de Milan, et un soldat ; Malatesta, duc de Rimini, et Marchesinus, un ménestrel.

10. L’illustration du grand incendie qui ravagea Constantinople pendant le règne du sultan Achmet. Les janissaires en profitent pour piller les plus riches maisons, tandis que le vizir Nassa Pacha, à cheval, un cimeterre dans une main et une tête de janissaire dans l’autre, tente de les en empêcher ; quant aux prêtres, ils essayent d’éteindre l’incendie en y jetant des morceaux de la chemise de Mahomet trempés dans l’eau bénite.

11. Une scène nocturne représentant le terrible souper et l’étrange divertissement que Domitien offrit aux sénateurs, selon la description qu’en donne Dion Cassius.

12. Une vestale pécheresse enfermée une cellule, sa table et sa chandelle.

13. Un éléphant portant un nègre nain sur le dos en train de danser sur une corde raide.

14. Une autre scène décrivant l’énorme rocher tombant des nuages dans l’Ægos Potamos ou fleuve de la chèvre en Grèce ; on croyait, dans l’Antiquité, qu’Anaxagore avait pu prédire sa chute six mois auparavant.

15. Trois nobles portraits : le Gaulois Vercingétorix se rendant à Jules César ; Tigrane, roi d’Arménie, se soumettant humblement à Pompée ; et Tamerlan montant à cheval en s’appuyant sur la nuque de Bayézid.

16. Dessins de trois expressions pleines de passion : Thyeste au moment où, à table, on lui apprend qu’il vient de manger un morceau de son propre fils ; Bayézid au moment où il pénètre dans la cage de fer ; Œdipe lorsqu’il apprend qu’il a tué son père et épousé sa propre mère.

17. Cette mère dont parle Plutarque qui, après que les Cimbres eurent été battus par Marius, se pendit, ses deux enfants à ses pieds.

18. Quelques représentations de scènes de torture particulièrement inhumaines. Le scaphisme des Persans. Le démembrement de personnes vivantes par les Turcs. Les pendaisons en guise de divertissement au cours des festins des Thraces. La méthode exacte qui permet d’écorcher un homme vivant, en commençant entre les épaules, selon la description de Thomas Minadoi dans sa Guerre perse. Y compris les tortures savantes subies par les traîtres français à Pâpa, en Hongrie ; tout comme les tortures terribles et sauvages imaginées par Tibère, représentées d’après les descriptions qu’en donne Suétone. Il avait imaginé, entre autres inventions atroces, de faire boire à quelques convives, à force d’instances perfides, une grande quantité de vin ; et ensuite il leur faisait ligaturer la verge pour qu’ils souffrent à la fois de la douleur provoquée par les liens et du besoin d’uriner.

19. Une image représentant Hannibal forçant son passage sur le Rhône avec ses éléphants, ses bagages et son armée hétéroclite alors que les Gaulois, depuis l’autre rive, l’en empêchaient ; et Hannon franchissant le fleuve à cheval bien plus haut pour attaquer les Gaulois par derrière.

20. Une belle illustration du sac de Fundi par la flotte et les soldats de l’amiral turc Barberousse, de la confusion de la population et de sa fuite dans les montagnes, tandis que Julia de Gonzague, la beauté d’Italie, s’enfuit par les collines avec ses suivantes à demi nues.

21. Une noble tête de Francisco de Gonzague, lequel, ayant été emprisonné pour trahison, vit ses cheveux devenir gris en une nuit, avec l’inscription suivante :
O nox quam longa est quæ facit una senem.

22. Un vaste panorama du siège de Vienne par Soliman le Magnifique, ainsi que le siège de Florence par l’empereur Charles V et le pape Clément VII, avec la légende suivante :
Tum vacui capitis populum Phæaca putares ?

23. Une exquise et exacte description du premier plat du repas servi au pontife Metellus, selon la relation qu’en fait Macrobe ; ainsi qu’un plat de Pisces Fossiles avec sa garniture d’anguilles prises dans le dos des morues et des perches ; de même que les crustacés trouvés dans des pierres autour d’Ancône.

24. La scène du noble divertissement et du festin que présida le duc de Chausne au Traité de Cologne, en 1673 : dans une vaste salle, toutes fenêtres ouvertes et à une immense table, il est assis, entouré d’un grand nombre de grands de ce monde et de nobles dames ; ensuite, autour de la table, il y a un rang de domestiques, puis un rang de musiciens, puis un rang de mousquetaires.

25. Miltiade, vainqueur des Perses à la bataille de Marathon et libérateur de la Grèce, regardant de derrière les barreaux de la prison d’Athènes où il mourut, avec l’inscription suivante :
Non hoc terribiles Cymbri non Britones unquam,
Sauromatæve truces aut immanes Agathyrsi.
26. Une belle dame anglaise dessinée al negro, c’est-à-dire avec un teint éthiopien dépassant en beauté le blanc et le rouge originels, avec la légende suivante :
Sed quandam vol nocte Nigriorem.

27. Des portraits et des dessins en caricatura de princes, de cardinaux et d’hommes célèbres ; où, entre autres, l’artiste a particulièrement bien évoqué les traits d’un lion et d’un renard dans le visage du pape Léon X.

28. Quelques pièces a la ventura, ou fruits étranges du hasard, soit dessins aléatoires ressemblant en fait à une personne, soit portraits ressemblant moins au modèle qu’a quelqu’un d’autre ; tandis que le visage, mal traduit par le peintre, finit par être un portrait acceptable de quelqu’un qu’il n’a jamais vu.

29. Un dessin représentant des nains célèbres, avec l’inscription suivante :
Nos facimus Bruti puerum nos Lagona vivum.
30. Une représentation minutieuse et fidèle de toutes sortes de chiens lors d’une initiative du sultan Achmet, lequel, lors d’une terrible peste qui ravageait Constantinople, fit transporter tous les chiens qui y vivaient à Péra, et de là dans une petite île où ils finirent par mourir de faim ; ainsi que la manière dont les prêtres délivrent de la rage en brûlant le front avec la clé de saint Bellin.

31. Une noble image de Thorismund, roi des Goths, au moment où il fut tué dans son palais à Toulouse : alors qu’un médecin avait pratiqué une saignée sur lui, une personne de l’assistance saisit l’occasion et le poignarda.

32. Une composition de fruits rares avec l’inscription suivante :
Credere quæ possis surrepta sororibus Afris.
33. Un magnifique exemple de difformité affligeant un visage particulièrement dur, avec la légende suivante :
—Ora
Julius in Satyris qualia Rufus habet.
34. Une noble représentation du célèbre duel entre Paul Manessi et le Turc Caragusa, à l’époque de Murat II, sous les yeux de l’armée turque et de celle de Scanderbeg ; duel au cours duquel Manessi tua le Turc, lui coupa la tête et emporta les dépouilles.

3. Antiquités et curiosités de diverses sortes

1. Quelques médailles anciennes ayant des inscriptions grecques et romaines, trouvées en Tartarie de Crimée ; on suppose qu’elles ont été laissées dans cette région par les soldats de Mithridate lorsqu’ils furent vaincus par Pompée ; ce dernier fit le tour par le nord du Pont-Euxin pour arriver par la Thrace.

2. Quelques croix anciennes en ivoire et en cuivre découvertes avec beaucoup d’autres en Chine ; on suppose qu’elles ont été achetées puis abandonnées là par les soldats grecs qui servaient dans l’armée de Tamerlan au cours de l’expédition qu’il entreprit pour conquérir ce pays.

3. Des pierres comportant d’étranges inscriptions illisibles ramassées dans les immenses ruines près de Céphala en Afrique et décrites par Vincent le Blanc ; à leur propos il émit l’opinion qu’autrefois les Hébreux avaient érigé des bâtiments et que c’était de cette région que Salomon avait rapporté une grande partie de son or.

4. Quelques belles gravures et médailles de Justin et de Justinien trouvées en possession d’un Banian dans une région reculée des Indes ; on suppose qu’elles ont été abandonnées là par les moines que mentionne Procope, lesquels voyagèrent dans ces régions pendant le règne de Justinien et propagèrent en Europe la découverte de la soie et du vers à soie.

5. Une médaille originale de Pietro l’Aretino, que l’on avait surnommé Flagellum principum, sur l’avers de laquelle il grava son propre portrait avec cette inscription :
Il Divino Aretino.
Au revers, on le voit assis sur un trône, des ambassadeurs, des rois et des princes sont à ses pieds et lui apportent des présents, on y lit l’inscription suivante :
I Principi tributati dai Popoli tributano il Servitor loro.
6. Mummia Tholosana : ou l’intégralité du corps et de la tête du père Crispin, enterré il y a bien longtemps dans la cave des Cordeliers à Toulouse, où la peau des morts se dessèche sans se corrompre, de sorte qu’on peut les reconnaître longtemps après, avec l’inscription suivante :
Ecce iterum Crispinus.
7. Un magnifique quandros, ou pierre retirée de la tête d’un vautour.

8. Un gros œuf d’autruche, sur lequel a été gravée avec talent toute la célèbre bataille de l’Alcazar, au cours de laquelle trois rois perdirent la vie.

9. Un Etiudros Alberti, ou pierre qui reste toujours humide : cette pierre est bénéfique à ceux qui sont de tempérament sec, et peut être tenue dans la main pour guérir la fièvre, elle remplace le cristal, l’œuf, le citron ou le concombre.

10. Une petite fiole d’eau prise aux pierres qui contiennent naturellement un peu d’eau et auxquelles on donne, en conséquence, le nom d’enhydri, comme on appelle ætites une autre pierre, la pierre d’aigle.

11. Une belle coupe peinte et dorée en confiti di Tivoli, ou coquille d’œuf pulvérisée ; on suppose que la piscina admirabilis de Néron était construite dans le même matériau ; boire dans cette coupe est extrêmement efficace contre les flux de ventre.

12. La peau d’un serpent ayant grandi dans la moelle épinière d’un homme.

13. Des cornes végétales mentionnées par Linschoten ; une fois plantées en terre dans la région de Goa, elles poussent telles des plantes.

14. Un extrait de l’encre des seiches, dans lequel on retrouve le vieux remède d’Hippocrate contre les passions hystériques.

15. De l’esprit et des sels de sargasse, produits dans l’océan occidental, qui est couvert de cette plante ; excellents contre le scorbut.

16. Un extrait de cachundé ou liberans, cette célèbre composition très prisée dans les Indes orientales pour traiter la mélancolie.

17. Diarhizon mirificum : une composition inégalée des racines les plus merveilleuses et les plus efficaces de la nature.
Rx Rad. Butuæ Cuamensis.
Rad. Moniche Cuamensis.
Rad. Mongus Bazainensis.
Rad. Casei Bazainensis.
Rad. Columbæ Mozambiguensis.
Gim. Sem. Sinicæ.
Fo. Lim. lac. Tigridis dictæ.
Fo. seu Cort. Rad. Soldæ.
Rad. Ligni Solorani.
Rad. Malacensis madrededios dictæ an. 3ij.
M. fiat pulvis, qui cum gelatina Cornu cervi Moschati Chinensis formetur in massas oviformes.

18. Un parfum transcendant fait avec les plus riches parfums des deux Indes, conservé dans un livre fabriqué avec la pierre de Muscie de Niarienburg, portant l’inscription suivante :
—Deos rogato,
Totum ut te faciant, Fabulle, Nasum.
19. Une Clepselæa, ou sablier à huile, semblable aux sabliers à eau des Anciens.

20. Un anneau sorti de l’estomac d’un poisson trouvé près de Gorro ; supposé être celui qui symbolisait le mariage du duc de Venise avec la mer.

21. Un magnifique crucifix fabriqué à partir d’un os en croix provenant de la tête d’une grenouille.

22. Une agate de grande taille sur laquelle est gravée une figure composite et grossière, qui, lorsqu’on la regarde par l’intermédiaire d’un cylindre, représente un centaure parfaitement dessiné. C’est sans doute avec un procédé identique que le roi Pyrrhus pouvait voir Apollon et les neuf muses dans les agates que mentionne Pline l’Ancien.

23. Batrachomyomachia, ou la bataille homérique entre les grenouilles et les souris, parfaitement gravée dans l’os de la mâchoire inférieure d’un brochet.

24. Pyxis Pandoræ, c’est-à-dire un coffret qui avait contenu l’unguentum pestiferum, lequel, après avoir été étalé sur les vêtements de plusieurs personnes, provoqua la grande et horrible peste de Milan.

25. Un flacon d’esprits composés de sels éthérés, hermétiquement scellé et toujours conservé dans le mercure ; il est d’une essence tellement volatile que c’est à peine s’il résiste à la lumière et on ne peut donc le montrer qu’en hiver, à la lumière d’une escarboucle, ou d’une pierre de Bologne.

Quiconque sait où tous ces trésors se trouvent aujourd’hui est un grand Apollon. Je suis sûr de ne pas être celui-là. Cependant, je suis,
Monsieur, vôtre &c.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un poème en prose, cette liste... Borgès aurait apprécié.