Ce qui s’est véritablement passé ces derniers mois, ce sont d’innombrables commencements, comme autant de rencontres fortuites mais décisives entre des syndicalistes sincères, des étudiants amateurs de banderoles renforcées, des lycéens sans illusion sur l’avenir qui leur est promis, des salariés fatigués de la vie qu’ils endurent, etc. Partout dans le pays, des forces autonomes se sont agrégées et continuent de s’agréger. Un pouvoir qui n’a plus une once de légitimité trouvera face à lui, à chaque nouveau pas qu’il fera, la volonté opiniâtre de le faire chuter et de l’écraser. Il y a là une rage et une détermination qui ne sont pas « de gauche ».
«
Être de gauche » a toujours eu quelque chose de vague, de lâche, d’indécis, de bien intentionné, mais pas au point d’agir en conséquence. Ce qui se passe en France depuis plus de trois mois maintenant a justement à voir avec l’impossibilité d’être encore de gauche sous un pouvoir socialiste. C’est une fuite hors de tous les cadres de la gauche, voire leur implosion ; et c’est une très bonne chose. L’échec de la rhétorique anti-casseur en témoigne. La digue morale qui séparait le refus platonique du cours des choses et l’assaut direct à ce que l’on refuse, digue morale qui faisait la gauche et sa lâcheté caractéristique, a sauté.
Présenter la désertion de la gauche comme la constitution d’une nouvelle « gauche radicale », voilà le genre d’escamotages opportuns, le type de tours de prestidigitation politicienne, la sorte de manœuvres de récupération éhontée qu’il faut laisser aux futurs candidats à la présidentielle et à tous ceux qui spéculent sur ce que les autres vivent
Julien Coupat, « La loi travail est l’affront qui fait monter au front », Médiapart, 13 juin 2016. Propos recueillis par Christophe Gueugneau.
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