Par Michel Cazenave.
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26 mai 2009
21 mai 2009
Entretien avec Guy Maddin | Les Fiches du cinéma
Les Fiches du cinéma. Propos recueillis par Michael Ghennam &Roland Hélié, le 4 septembre 2008 (traduits par M. Ghennam).
Commençons par les présentations : qui est Guy Maddin ? Comment est-il devenu cinéaste ?
Guy Maddin : Je n’en ai aucune idée ! Ce n’était pas prévu. Je dois dire que je n’ai jamais rien prévu dans ma vie... J’étudiais l’économie et les mathématiques et pensais travailler dans une banque. Je m’imaginais déjà en pleurs dans le coffre-fort de la banque parce cela ne me convenait pas... Alors j’ai tout arrêté et j’ai adopté ce mode de vie qu’on associe couramment aux adolescents : traîner avec ses amis à la fac, resquiller dans les cinémas... Et puis je me suis dit que j’aimerais faire la même chose : faire des films semblait être une bonne manière de rencontrer des gens ! Certains organisent des dîners, moi ce sont des films ! Je travaille toujours avec la même motivation : il s’agit de créer quelque chose en s’amusant. Avec mes longs métrages, je suppose m’être exprimé à travers eux, avoir déballé ce que j’avais sur le cœur. J’ai toujours été torturé par une douloureuse nostalgie, liée aux occasions manquées. Occasions manquées d’aimer quelqu’un correctement, de dire à certaines personnes qui sont mortes aujourd’hui que je les aimais... D’une certaine manière, je peux leur dire toutes ces choses en réalisant de grands mélodrames.
Vos films semblent nourris d’une grande part autobiographique, l’enfance y occuper une place prépondérante. Quelles relations entretenez-vous avec votre enfance, et plus généralement avec votre passé, vers lequel votre cinéma semble tourné ?
G. M. : Je pense que celui qui songe à son passé ou à ses plus anciens souvenirs devient un poète. Dans vos premières années, vous êtes jeune et ne comprenez pas le monde dans lequel vous évoluez. Cependant, vous commencez à établir des théories sur ce monde. Des théories qui se révèlent fausses, mais qui procurent un sentiment de confusion enivrant. On finit par mélanger cause et effet : par exemple, vous croyez que le printemps arrive parce que votre mère étend son linge dehors. J’aime ces petites associations étranges, cette façon que les enfants ont de voir les choses, d’en déduire que l’une sera une cause et l’autre, un effet. Enfant, on est un peu perdu, tous nos sens sont confus : c’est un peu comme si les couleurs avaient des odeurs, et les bruits une texture. Pour moi, quand vous parvenez à vous rappeler vos premiers souvenirs, les plus étranges, vous devenez un poète. Il est donc très important que je reste lié à mon enfance, car je fais du cinéma à la manière d’un enfant qui dessine : rapidement, avec honnêteté et sans règles ni limitations. Je n’essaie pas de me rappeler mes histoires d’enfance, mais simplement des sentiments et des sensations qu’elles ont provoquées.
(…)
Vous attachez une grande attention au travail de son et de bruitage. Pourquoi sont-ils tellement mis en valeur ?
G. M. : Il s’agit de sons primaires, de la même manière qu’on parle de formes primaires à propos de dessins d’enfants. Par exemple, on retient la forme ronde d’une balle davantage que sa matière. J’ai donc essayé de concevoir la bande-son du film en m’inspirant des écrivains qui, à l’aide de quelques détails, parviennent à faire exister une pièce. Plutôt que saturer la bande-son de tous ces sons que l’œil peut saisir - un personnage décroisant les jambes, ou posant un verre sur une table - et qui sont donc superflus, j’ai essayé de ne conserver que les sons les plus importants, pour mieux les mettre en évidence. Peut-être sont-ils de nature à impressionner les enfants, à trotter dans leur tête bien après la fin du film. Je me souviens qu’étant enfant, je me suis retrouvé isolé sur un bateau à la dérive. Je ne me souviens plus comment j’ai été secouru, seulement d’être rentré à la maison. Mais je n’ai pas oublié les sons et odeurs qui m’environnaient : le bruit du moteur et des vagues, l’odeur de l’essence, le bateau qui tanguait. Si je devais filmer cette scène, je me contenterais de ces bruits, et devrais bien sûr me passer des odeurs ! J’aimerais créer un système, le faire breveter sous le nom de "Select’O’Sound" : il ne sélectionnerait que 2 ou 3 sons qui feraient exister la scène.
Quel rapport particulier entretenez-vous avec les musiques populaires (vous avez tourné un clip pour le groupe Sparklehorse) ? Quelle importance, sur le plan personnel, occupe la musique pour vous ?
G. M. : De toutes les formes d’expression artistique, je pense que la musique est celle qui touche le plus directement le cœur des gens. Vous pouvez écouter une chanson pop, elle vous rendra heureux ou triste, elle se gravera dans votre esprit et, des décennies plus tard, quand vous l’entendrez de nouveau, vous pourrez recréer le souvenir adossé à cette chanson. J’ai toujours rêvé de réaliser des films qui fonctionneraient comme la musique, c’est-à-dire réussir à emprunter ces “raccourcis vers le cœur” qui provoquent instantanément l’émotion. J’ai essayé de trouver de bonnes histoires, d’y appliquer une logique musicale, puis d’y ajouter de la musique qui, pour moi, emprunte ces raccourcis. En ce qui concerne Sparklehorse, je les adore parce qu’à mes yeux leur musique ressemble à des films. Les paysages musicaux qu’ils ont élaborés m’évoquent des scènes habitées d’ombres... Je me souviens de la chanson dont j’ai tourné le clip, It’s a Wonderful Life. Le groupe s’était inspiré d’une nouvelle de Villiers de L’Isle-Adam, sur des vendeuses de fleurs dont les amis volaient des fleurs dans les cimetières. Elles vendaient les fleurs à des Parisiens, le brouillard arrivait et les filles, peut-être des prostituées, avaient l’air de cadavres. À elle seule, la musique suggère une lente métamorphose et une mélancolie qui s’épanouissait comme une fleur... Pour moi, cette chanson était un film à part entière dès le début. Les musiques que je préfère sont très souvent “cinématographiques” à mes oreilles ! J’ai découvert un excellent label, "Symposium Records", accessible sur Internet, qui propose les premiers enregistrements de musique classique. Comme les sources sont anciennes, la musique devient curieuse - un trésor que les frères Quay pourraient collecter - avec sa texture propre et des craquements impossibles à “nettoyer”. Ce sont des petits films chargés d’autant d’histoire que des contes de fées. Mais j’aime aussi écouter les grands compositeurs de bandes originales : Bernard Herrmann, Franz Waxman, Maurice Joubert, compositeur de Jean Vigo parfaitement en phase avec le réalisateur...
(…)
Dans la presse, il est souvent fait mention de l’intérêt que vous portez au cinéma muet. Vous reconnaissez-vous dans ce qui en est dit ?
G. M. : Je n’ai pas d’obsession pour les films muets. Je pense simplement qu’un réalisateur doit avoir à sa disposition le plus d’options possibles. De la même façon qu’un peintre peut utiliser n’importe quelle couleur, voire se passer de peinture, un sculpteur choisir son matériau, un réalisateur peut disposer du silence, des voix, du son synchronisé ou non, de la couleur ou du noir & blanc, de la 3D ou du Scope... Il ne doit pas y avoir de règles, il faut pouvoir faire des mélanges, du moment que c’est au service d’une vision. Il y a des choses que les films muets font mieux que les films parlants et, dans la hâte qui a poussé à l’abandonner, un potentiel énorme a été négligé. Je fais mon choix dans ce vocabulaire tombé en désuétude, j’essaie d’en tirer les meilleurs éléments, de les exploiter. Il ne s’agit pas seulement du cinéma muet, puisque mes films, souvent, sont dialogués. Il s’agit avant tout d’une volonté d’utiliser les vocabulaires filmiques d’époques révolues, et de rappeler aux spectateurs l’existence du muet. Je dois dire également que j’adore les interprétations stylisées propres au cinéma muet. Aujourd’hui, le public pense que l’interprétation des films contemporains est réaliste. Mais elle est tout aussi stylisée que celle des chanteurs d’opéra... Dans 20 ans, on trouvera que le travail des acteurs de 2008 était très stylisé. Dans mes films, les gens retiennent mon utilisation de ce vocabulaire du muet dans le travail de direction des acteurs pour en déduire que c’est un cinéma qui m’obsède. À mes yeux, il faut simplement profiter du style d’interprétation de toutes les époques pour enrichir le film.
(…)
Isabella Rossellini semble prendre une importance grandissante dans votre travail. Est-elle devenue votre “actrice fétiche” ? De manière plus générale, aimez-vous travailler avec les acteurs ?
G. M. : C’est vrai, j’aime travailler avec les acteurs mais elle est unique. À part. Elle donne l’impression de vivre dans deux époques différentes. Quand je regarde à travers une caméra, elle devient, en noir & blanc, Ingrid Bergman dans Les Enchaînés ! Voici quelques années, un éditeur s’apprêtait à engager un nègre pour écrire sa biographie. Elle a rédigé une série de notes... et l’éditeur a découvert qu’elle avait son propre style. Elle peut être une petite fille, un mannequin très sophistiqué, une diva... Son jeu peut être empli de nostalgie, mélancolique, voire... totalement argotique et pornographique ! De surcroît, elle peut être tout cela à la fois, en une seule phrase ! Elle est l’incarnation de tout ce que j’admire chez mes réalisateurs préférés, comme Ernst Lubitsch ou Preston Sturges. Elle a cette capacité, rare, de pouvoir combiner des sentiments contradictoires, comme seuls les grands maîtres savent le faire. Elle essaie aussi de briser cette image lisse de star glamour qui est la sienne, qui la poursuit depuis des années, en cherchant toujours à s’investir dans des projets en marge, où elle peut s’exprimer pleinement. Ajouter qu’elle est superbe et qu’elle règne au panthéon du cinéma par ses parents, et par ses choix : elle a joué dans Blue Velvet, un film tellement important ! On se connaît bien tous les deux, on a vite découvert que lorsqu’il est question de cinéma, on est sur la même longueur d’ondes (elle adore les films de Lon Chaney, tout comme moi). Elle est un peu ma Marlene Dietrich ! Maintenant, il faut que je sois un peu plus comme Josef von Sternberg...
(…)
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Commençons par les présentations : qui est Guy Maddin ? Comment est-il devenu cinéaste ?
Guy Maddin : Je n’en ai aucune idée ! Ce n’était pas prévu. Je dois dire que je n’ai jamais rien prévu dans ma vie... J’étudiais l’économie et les mathématiques et pensais travailler dans une banque. Je m’imaginais déjà en pleurs dans le coffre-fort de la banque parce cela ne me convenait pas... Alors j’ai tout arrêté et j’ai adopté ce mode de vie qu’on associe couramment aux adolescents : traîner avec ses amis à la fac, resquiller dans les cinémas... Et puis je me suis dit que j’aimerais faire la même chose : faire des films semblait être une bonne manière de rencontrer des gens ! Certains organisent des dîners, moi ce sont des films ! Je travaille toujours avec la même motivation : il s’agit de créer quelque chose en s’amusant. Avec mes longs métrages, je suppose m’être exprimé à travers eux, avoir déballé ce que j’avais sur le cœur. J’ai toujours été torturé par une douloureuse nostalgie, liée aux occasions manquées. Occasions manquées d’aimer quelqu’un correctement, de dire à certaines personnes qui sont mortes aujourd’hui que je les aimais... D’une certaine manière, je peux leur dire toutes ces choses en réalisant de grands mélodrames.
Vos films semblent nourris d’une grande part autobiographique, l’enfance y occuper une place prépondérante. Quelles relations entretenez-vous avec votre enfance, et plus généralement avec votre passé, vers lequel votre cinéma semble tourné ?
G. M. : Je pense que celui qui songe à son passé ou à ses plus anciens souvenirs devient un poète. Dans vos premières années, vous êtes jeune et ne comprenez pas le monde dans lequel vous évoluez. Cependant, vous commencez à établir des théories sur ce monde. Des théories qui se révèlent fausses, mais qui procurent un sentiment de confusion enivrant. On finit par mélanger cause et effet : par exemple, vous croyez que le printemps arrive parce que votre mère étend son linge dehors. J’aime ces petites associations étranges, cette façon que les enfants ont de voir les choses, d’en déduire que l’une sera une cause et l’autre, un effet. Enfant, on est un peu perdu, tous nos sens sont confus : c’est un peu comme si les couleurs avaient des odeurs, et les bruits une texture. Pour moi, quand vous parvenez à vous rappeler vos premiers souvenirs, les plus étranges, vous devenez un poète. Il est donc très important que je reste lié à mon enfance, car je fais du cinéma à la manière d’un enfant qui dessine : rapidement, avec honnêteté et sans règles ni limitations. Je n’essaie pas de me rappeler mes histoires d’enfance, mais simplement des sentiments et des sensations qu’elles ont provoquées.
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Vous attachez une grande attention au travail de son et de bruitage. Pourquoi sont-ils tellement mis en valeur ?
G. M. : Il s’agit de sons primaires, de la même manière qu’on parle de formes primaires à propos de dessins d’enfants. Par exemple, on retient la forme ronde d’une balle davantage que sa matière. J’ai donc essayé de concevoir la bande-son du film en m’inspirant des écrivains qui, à l’aide de quelques détails, parviennent à faire exister une pièce. Plutôt que saturer la bande-son de tous ces sons que l’œil peut saisir - un personnage décroisant les jambes, ou posant un verre sur une table - et qui sont donc superflus, j’ai essayé de ne conserver que les sons les plus importants, pour mieux les mettre en évidence. Peut-être sont-ils de nature à impressionner les enfants, à trotter dans leur tête bien après la fin du film. Je me souviens qu’étant enfant, je me suis retrouvé isolé sur un bateau à la dérive. Je ne me souviens plus comment j’ai été secouru, seulement d’être rentré à la maison. Mais je n’ai pas oublié les sons et odeurs qui m’environnaient : le bruit du moteur et des vagues, l’odeur de l’essence, le bateau qui tanguait. Si je devais filmer cette scène, je me contenterais de ces bruits, et devrais bien sûr me passer des odeurs ! J’aimerais créer un système, le faire breveter sous le nom de "Select’O’Sound" : il ne sélectionnerait que 2 ou 3 sons qui feraient exister la scène.
Quel rapport particulier entretenez-vous avec les musiques populaires (vous avez tourné un clip pour le groupe Sparklehorse) ? Quelle importance, sur le plan personnel, occupe la musique pour vous ?
G. M. : De toutes les formes d’expression artistique, je pense que la musique est celle qui touche le plus directement le cœur des gens. Vous pouvez écouter une chanson pop, elle vous rendra heureux ou triste, elle se gravera dans votre esprit et, des décennies plus tard, quand vous l’entendrez de nouveau, vous pourrez recréer le souvenir adossé à cette chanson. J’ai toujours rêvé de réaliser des films qui fonctionneraient comme la musique, c’est-à-dire réussir à emprunter ces “raccourcis vers le cœur” qui provoquent instantanément l’émotion. J’ai essayé de trouver de bonnes histoires, d’y appliquer une logique musicale, puis d’y ajouter de la musique qui, pour moi, emprunte ces raccourcis. En ce qui concerne Sparklehorse, je les adore parce qu’à mes yeux leur musique ressemble à des films. Les paysages musicaux qu’ils ont élaborés m’évoquent des scènes habitées d’ombres... Je me souviens de la chanson dont j’ai tourné le clip, It’s a Wonderful Life. Le groupe s’était inspiré d’une nouvelle de Villiers de L’Isle-Adam, sur des vendeuses de fleurs dont les amis volaient des fleurs dans les cimetières. Elles vendaient les fleurs à des Parisiens, le brouillard arrivait et les filles, peut-être des prostituées, avaient l’air de cadavres. À elle seule, la musique suggère une lente métamorphose et une mélancolie qui s’épanouissait comme une fleur... Pour moi, cette chanson était un film à part entière dès le début. Les musiques que je préfère sont très souvent “cinématographiques” à mes oreilles ! J’ai découvert un excellent label, "Symposium Records", accessible sur Internet, qui propose les premiers enregistrements de musique classique. Comme les sources sont anciennes, la musique devient curieuse - un trésor que les frères Quay pourraient collecter - avec sa texture propre et des craquements impossibles à “nettoyer”. Ce sont des petits films chargés d’autant d’histoire que des contes de fées. Mais j’aime aussi écouter les grands compositeurs de bandes originales : Bernard Herrmann, Franz Waxman, Maurice Joubert, compositeur de Jean Vigo parfaitement en phase avec le réalisateur...
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Dans la presse, il est souvent fait mention de l’intérêt que vous portez au cinéma muet. Vous reconnaissez-vous dans ce qui en est dit ?
G. M. : Je n’ai pas d’obsession pour les films muets. Je pense simplement qu’un réalisateur doit avoir à sa disposition le plus d’options possibles. De la même façon qu’un peintre peut utiliser n’importe quelle couleur, voire se passer de peinture, un sculpteur choisir son matériau, un réalisateur peut disposer du silence, des voix, du son synchronisé ou non, de la couleur ou du noir & blanc, de la 3D ou du Scope... Il ne doit pas y avoir de règles, il faut pouvoir faire des mélanges, du moment que c’est au service d’une vision. Il y a des choses que les films muets font mieux que les films parlants et, dans la hâte qui a poussé à l’abandonner, un potentiel énorme a été négligé. Je fais mon choix dans ce vocabulaire tombé en désuétude, j’essaie d’en tirer les meilleurs éléments, de les exploiter. Il ne s’agit pas seulement du cinéma muet, puisque mes films, souvent, sont dialogués. Il s’agit avant tout d’une volonté d’utiliser les vocabulaires filmiques d’époques révolues, et de rappeler aux spectateurs l’existence du muet. Je dois dire également que j’adore les interprétations stylisées propres au cinéma muet. Aujourd’hui, le public pense que l’interprétation des films contemporains est réaliste. Mais elle est tout aussi stylisée que celle des chanteurs d’opéra... Dans 20 ans, on trouvera que le travail des acteurs de 2008 était très stylisé. Dans mes films, les gens retiennent mon utilisation de ce vocabulaire du muet dans le travail de direction des acteurs pour en déduire que c’est un cinéma qui m’obsède. À mes yeux, il faut simplement profiter du style d’interprétation de toutes les époques pour enrichir le film.
(…)
Isabella Rossellini semble prendre une importance grandissante dans votre travail. Est-elle devenue votre “actrice fétiche” ? De manière plus générale, aimez-vous travailler avec les acteurs ?
G. M. : C’est vrai, j’aime travailler avec les acteurs mais elle est unique. À part. Elle donne l’impression de vivre dans deux époques différentes. Quand je regarde à travers une caméra, elle devient, en noir & blanc, Ingrid Bergman dans Les Enchaînés ! Voici quelques années, un éditeur s’apprêtait à engager un nègre pour écrire sa biographie. Elle a rédigé une série de notes... et l’éditeur a découvert qu’elle avait son propre style. Elle peut être une petite fille, un mannequin très sophistiqué, une diva... Son jeu peut être empli de nostalgie, mélancolique, voire... totalement argotique et pornographique ! De surcroît, elle peut être tout cela à la fois, en une seule phrase ! Elle est l’incarnation de tout ce que j’admire chez mes réalisateurs préférés, comme Ernst Lubitsch ou Preston Sturges. Elle a cette capacité, rare, de pouvoir combiner des sentiments contradictoires, comme seuls les grands maîtres savent le faire. Elle essaie aussi de briser cette image lisse de star glamour qui est la sienne, qui la poursuit depuis des années, en cherchant toujours à s’investir dans des projets en marge, où elle peut s’exprimer pleinement. Ajouter qu’elle est superbe et qu’elle règne au panthéon du cinéma par ses parents, et par ses choix : elle a joué dans Blue Velvet, un film tellement important ! On se connaît bien tous les deux, on a vite découvert que lorsqu’il est question de cinéma, on est sur la même longueur d’ondes (elle adore les films de Lon Chaney, tout comme moi). Elle est un peu ma Marlene Dietrich ! Maintenant, il faut que je sois un peu plus comme Josef von Sternberg...
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14 mai 2009
Pierre Michon, conversations radiophoniques
France Culture, Les Affinités électives, 22/09/2005 > télécharger
France Culture, Surpris par la nuit, 24/09/2007, à propos du Roi vient quand il veut (éditions Albin Michel) > télécharger
France Culture, La Fabrique de l'histoire, à propos de Jules Michelet, 31/03/2008 > télécharger
France Culture, Les Mardis littéraires, 28/04/2009, à propos des Onze (éditions Verdier) > télécharger
France Culture, Répliques, 09/05/2009, à propos des Vies minuscules (éditions Gallimard), avec Emmanuel Carrère, pour D'autres vies que la mienne (éditions POL) > télécharger
Et aussi, à propos de Flaubert
12 mai 2009
Alfred Döblin Platz | France Culture, Surpris par la nuit, 5-8 mai 2009
Par Christine Lecerf. Réalisation Anne Franchini.
Enregistrée entre Paris et Berlin, élaborée à partir d’archives inédites d’Alfred Döblin et rassemblant les témoignages de plus d’une vingtaine de lecteurs et chercheurs passionnés (traducteurs, éditeurs, écrivains, acteurs, médecins…), cette série en quatre parties intitulée ALFRED DÖBLIN PLATZ / PLACE ALFRED DÖBLIN (1878-1957) dessine les contours d’une destinée artistique et intellectuelle emblématique d’un siècle, dont l’œuvre a su magnifiquement assembler les lambeaux.
> Première partie : De père en fils (télécharger)
Du cimetière du petit village d’Housseras dans les Vosges à celui de Weissensee, à l’est de Berlin, qui est l’un des plus vastes cimetières juifs d’Europe, cette première partie épouse les gouffres et les silences d’une destin marqué par la fuite du père, Max Döblin, et la mort du fils, Wolgang Döblin. Né en 1878, à Stettin, Döblin doit quitter Berlin en 1933. Naturalisé français en 1936, il se convertit au catholicisme en 1941 à Hollywood. Il meurt en 1957, pauvre et malade dans un hôpital psychiatrique, près de Freiburg. Il est enterré à Housseras, aux côtés de son fils, Wolfgang Döblin, mathématicien de génie, soldat de l’armée française qui s’est suicidé en 1940 pour ne pas tomber entre les mains des allemands.
Les fils de l’écrivain témoignent : Claude Döblin puise dans ses souvenirs, Stephan Döblin commente des photographies. L’écrivain biographe, Marc Petit, raconte ses trouvailles réelles et inventées. L’ancien instituteur d’Housseras ouvre ses vieux cartons. Peu à peu se dégage l’image d’un homme extraordinairement complexe, miné par le tourment, rattrapé par l’humour et sauvé par l’écriture.
Avec :
Stephan Döblin, fils de l’écrivain (Paris)
Marc Petit, germaniste, auteur de L’équation de Kolgomoroff, Gallimard, 2005 (Paris)
Gabriel Simon, ancien instituteur, (Housseras)
Gesine Bey, germaniste, (Berlin)
Claude Döblin, archive Jürgen Ellinghaus, 2005.
Extraits lus d’Alfred Döblin : Hamlet ou la longue nuit prend fin, Fayard, 1998.
> Deuxième partie : Peinture et ciseaux (télécharger)
La parution de Berlin Alexanderplatz dans une toute nouvelle traduction française est l’occasion de remonter aux sources de l’écriture de ce grand livre « mégaphone ». Contemporain de tous les grands bouleversements qui modelèrent le XXe siècle – vitesse, cinéma, grande ville, massification, révolution et totalitarisme -, Alfred Döblin a ausculté son époque avec le double regard de l’homme de sciences et de l’artiste. Stimulé par l’avant-garde picturale et architecturale berlinoise, Döblin n’a pas seulement fait entrer la rue dans la littérature, il en a également profondément renouvelé les formes narratives. « Le roman est une affaire dépassée », déclarait Döblin en 1931.
Chaque voix, qu’elle soit celle du traducteur, de l’acteur, de l’écrivain ou du spécialiste, fait entendre cette singulière hétérogénéité d’une œuvre composée à partir de fragments sonores et textuels (du slogan publicitaire au mot d’ordre politique en passant par le dialecte berlinois, des fragments de la bible, des lambeaux de Kleist jusqu’au billet de métro collé à même la page) : l’œuvre d’Alfred Döblin se regarde finalement comme un tableau de Georg Grosz ou un collage de Schwitters et s’écoute comme une bande-son.
Avec :
Olivier Le Lay, traducteur de Berlin Alexanderplatz, Gallimard, 2009. (Paris)
Jacqueline Chambon, éditrice de Pas de pardon, 1999. (Paris)
Philippe Chardin, professeur de littérature comparée. (Paris)
Stephan Döblin, fils de l’écrivain. (Paris)
Manfred Flügge, spécialiste de l’exil. (Berlin)
Reinhard Jirgl, écrivain, lauréat du Prix Alfred Döblin. (Berlin)
Jean-Pierre Lefevbre, germaniste, professeur à l’ENS. (Paris)
Jean-Pierre Morel, professeur de littérature comparée. (Paris)
Marc Petit, germaniste. (Paris)
Lionel Richard, professeur de littérature comparée, auteur de Expressionnistes allemands - Panorama bilingue d'une génération, Complexe, 2001. (Paris)
Gabriele Sander, Présidente de l’Internationale Alfred Döblin-Gesellschaft, auteur de Alfred Döblin, Reclam, 2001. (Wuppertal)
Hanna Schygulla, actrice, notamment dans Berlin Alexanderplatz de R.W. Fassbinder, Carlotta, 1979/80. (Paris)
Michel Vanoosthuyse, spécialiste de Döblin, auteur de Alfred Döblin, Théorie et pratique de l'oeuvre épique, Belin, 2005. (Paris)
> Troisième partie : Crime et châtiment (télécharger)
A l’heure où Berlin, nouvelle capitale, et l’Alexanderplatz adoptent un nouveau visage, cette troisième partie poursuit l’exploration du roman de Döblin sous l’angle plus particulier du « héros döblinien ». Qui est ce Franz Biberkopf ? Et que lui arrive-t-il sur l’Alexanderplatz ? Nourri par les études psychopathologiques du jeune Döblin, alors étudiant en médecine, puis de sa longue expérience de médecin des pauvres, à l’Est de Berlin, ainsi que de ses innombrables lectures, le héros döblinien est une formidable « sonde », un détecteur diabolique de sons et d’images, figure à la fois et symétrique et inversée de son auteur : « Il n’y a pas d’artiste qui ne porte sur lui les traits de la maladie et du crime ».
Traducteur, médecin, universitaire, écrivain ou acteur, chacun visite à sa manière les neuf livres de cette grande épopée moderne.
Avec :
Philippe Chardin, professeur de littérature comparée. (Paris)
Günther Lamprecht, acteur, notamment dans Berlin Alexanderplatz de R.W.Fassbinder, Carlotta, 1979/80. (Berlin)
Jean-Pierre Lefevbre, germaniste, professeur à l’ENS. (Paris)
Olivier Le Lay, traducteur de Berlin Alexanderplatz, Gallimard, 2009. (Paris)
Harald Loch, critique littéraire. (Berlin)
Jean-Pierre Morel, professeur de littérature comparée. (Paris)
Klaus Jürgen Neumärker, professeur en médecine. (Berlin)
Christin Niemeyer, étudiante. (Berlin)
Marc Petit, germaniste. (Paris)
Lionel Richard, professeur de littérature comparée. (Paris)
Gabriele Sander, germaniste. (Wuppertal)
Michel Vanoosthuyse, spécialiste de Döblin. (Paris)
Textes lus d’Alfred Döblin : « La danseuse et le corps », in L’Assassinat d’une renoncule, Rivages, 1990. Berlin Alexanderplatz, traduction d’Olivier Le Lay, Gallimard, 2009.
Extraits sonores de films : Phil Jutzi, scénario d’Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz, Arthaus, 1931. Rainer Werner Fassbinder, Berlin Alexanderplatz, Carlotta, 1979-80.
> Quatrième partie : Entre ciel et terre (télécharger)
« C’est une honte pour la littérature (...) C’est comme si Alfred Döblin n’était jamais rentré d’exil », s’indignait Günter Grass, fondateur du Prix Alfred Döblin, à la fin des années 90. Cette quatrième et dernière partie revient sur les différents voyages qui ont ponctué la vie d’Alfred Döblin : son départ de Stettin pour Berlin, à l’âge de 10 ans, son voyage en Pologne, en 1924, et son interminable exil, entamé à partir de 1933, qui le conduisit de Berlin en Suisse, et de France en Amérique. Cette rupture de civilisation que fut le nazisme rendra impossible tout retour à un « chez-soi » pour Döblin. Naturalisé français, en 1936, puis converti au catholicisme, en 1941, à Hollywood, ce médecin d’origine juive est très longtemps resté banni de la mémoire allemande. Mais le voyage le plus déterminant est sans doute celui que l’écrivain ne cessa d’entreprendre avec son œuvre. Toujours recommencée, conçue comme un défi en terre inconnue, l’œuvre de Döblin s’apparente à de grands bois (Arno Schmidt), voire à une immense forêt vierge.
De continents réels en territoires inventés, historiens, biographes et écrivains ont accepté de suivre cet exilé perpétuel dans ses pérégrinations les plus risquées et les plus inattendues.
Avec :
Pierre Birnbaum, spécialiste de l’histoire du judaïsme, auteur de Géographie de l’espoir, Gallimard, 2004. (Paris)
Stephan Döblin, fils de l’écrivain. (Paris)
Manfred Flügge, spécialiste de l’exil. (Berlin)
Jörg Fessmann, directeur de la section Littérature, Académie des arts de Berlin. (Berlin)
Günter Grass, écrivain, fondateur du Prix Alfred Döblin, archive Arte, 1996.
Yasmin Hoffmann, traductrice de Novembre 1918, une révolution allemande, tomes 1 (2008), 2 et 3 (2009), Agone. (Paris)
Jean-Pierre Lefebvre, germaniste, professeur à l’ENS. (Paris)
Marc Petit, germaniste. (Paris)
Jean-Jacques Pollet, germaniste. (Rouen)
Lionel Richard, professeur de littérature comparée. (Paris)
Peter Rühmkorf, écrivain, archive Arte, 1996.
Gabriele Sander, germaniste. (Wuppertal)
Ingo Schulze, écrivain, lauréat du Prix Alfred Döblin. (Berlin)
Michel Vanoosthuyse, spécialiste de Döblin. (Paris)
Texte lu d’Alfred Döblin : Voyage Babylonien, traduction de Michel Vanoosthuyse, Gallimard, L’Imaginaire, 2007.
02 mai 2009
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